Chapitre 17.

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Je me réveillai en sursaut. J'avais le cœur qui battait anormalement vite dans ma poitrine. Je passai ma main sur mon front. Il était brûlant. Je me levai et regardai par ma fenêtre le soleil se lever et le ciel prendre une couleur orangé. Une larme que je n'avais pas sentie venir coula sur ma joue. Je l'essuyai furtivement. Aujourd'hui plus qu'aucun autres jours de ma vie, j'aurais préféré être née dans une autre famille.

Je m'habillai machinalement sans prêter le moins du monde attention à ma toilette. Si jamais il pouvait me détester, notre mariage ne serait que des mots et une signature sur un papier. Comment au 21ième siècle pouvait-on encore marier de force ses enfants ? Pour faire perdurer un don qu'on n'utilise jamais ? Est-ce une raison suffisante pour ruiner la vie d'un homme et d'une femme ?

Je serrai les lèvres et descendis l'escalier. Mes parents m'attendaient déjà dans la voiture. Je n'avais pas le temps de manger, c'était à peine si j'avais le temps de discuter 10 minutes avec mon futur mari car je devais juste après me rendre en cours. Le voyage passa très rapidement. L'ambiance était glaciale, personne ne parlait.

Nous arrivâmes devant la grande demeure familiale, là où se déroulait toutes les naissances, là où j'étais née et il était né. Je frissonnai. Mon père ouvrit la porte avec le vieux trousseau de clé et celle-ci grinça sur ses gonds. Tout autour de moi me rappelait des mauvais souvenirs, lorsque mes cousins proches m'harcelaient à cause de mon don différent. Je fronçai les sourcils et tentai de réguler les battements de mon cœur. Tout cela appartenait au passé maintenant.

D'un mouvement décidé j'ouvris la porte du salon, derrière laquelle j'entendais la voix d'une vieille dame et d'un jeune homme, mais je m'arrêtai sur le seuil sans voix.

Il se retourna et dit en souriant :

— Je m'appelle Jeremy Miller.

Je laissai tomber la main qui tenait la poignée de la porte. J'avais l'impression d'avoir été roulée dans la farine. Une seule question franchie mes lèvres :

— Tu le savais déjà, n'est-ce pas ?

Jeremy que j'avais rencontré la veille, car c'était bien lui, acquiesça.

Je me tournai vers mes parents.

— Pourquoi l'a-t-il apprit avant moi ? Pour pouvoir « m'amadouer » c'est ça ?

Ma mère s'approcha de moi, je reculai. J'étais en colère. Je m'approchai de Jeremy et lui dit d'une voix glaciale :

— Non seulement tu savais et tu ne m'as rien dit mais en plus tu as fait semblant de m'apprécier, tu t'es montré inutilement gentil.

Je me tournai vers la vieille Miller.

— Vous pouvez bien me choisir un autre fiancé, non ?

Mon père m'attrapa le bras et me força à m'assoir en face de la vieille dame. Celle-ci secoua lentement la tête.

— C'est l'époux que je t'ai choisi, je ne reviendrai pas sur ma décision. Vous allez parfaitement ensemble. C'est le souhait de la famille Miller, en tant que membre de cette famille, tu dois te plier à cette décision.

Je blêmis et lançai un regard à Jeremy. Lui, mon époux ? Je baissai les yeux. Mes parents, mes grands-parents avant eux, tous ont accepté les choix de leur futur conjoint, même Jeremy lui-même a accepté ce choix, je n'avais aucun droit de refuser.

Je me levai lentement et sortis de la pièce après avoir salué la vieille Miller et Jeremy. Mes parents me suivirent en silence. Mes mains étaient glacées.

Ils me déposèrent devant mon école de droit. Jeremy arriva en même temps que nous avec sa voiture. Allions-nous à l'avenir être toujours ensemble ? Lorsqu'il me vit il dit :

— A partir d'aujourd'hui, c'est moi qui te raccompagnerai chez toi, j'aimerai également que ce Christian, cet « ami proche » s'éloigne un peu de toi.

De quel droit me donnait-il ce genre d'ordre ? Avant que je n'aie le temps de rétorquer, il ajouta :

— Rappelle-toi que je suis les ordres de la vieille Miller, ne t'en prend pas à moi.

Il allait partir mais j'attrapai son bras.

— Ne pourrions-nous pas faire semblant ? Nous vivrons nos vies chacun de notre côté et nous dirons à nos parents que nous sommes de parfait fiancés ?

Il haussa un sourcil.

— Tu comptes donc vraiment désobéir à un ordre de ta propre famille ? Est-ce que je suis repoussant à ce point ?

Je le lâchai et secouai la tête.

— Ce n'est pas ça, c'est que...

Il sourit et continua son chemin.

— Alors dans ce cas-là faisons comme on nous l'a demandé.

Plus je réfléchissais et plus j'avais l'impression que ce mariage ne le dérangeait pas, on ne pouvait pas être aussi détendu sans raison. Peut-être m'appréciait-il ? Mais dans ce cas-là c'était pire que tout, cela signifiait qu'il n'y aurait pas ce mariage seulement sur papier que je voulais.

Les cours de la journée passèrent très rapidement mais tout me sembla plus ennuyeux que le premier jour.

Quand 18 heure arriva, je soupirai de soulagement. Je sortis à la hâte du bâtiment et vis Christian qui m'attendait devant. Je lui fis un signe et allait le rejoindre lorsque Jeremy me prit par les épaules pour m'emmener dans sa voiture afin de me raccompagner. Je vis nettement Christian bondir sur place. Il accourut à toute vitesse et enleva brusquement le bras de Jeremy de mes épaules, puis il se tourna vers moi et me demanda en me fusillant du regard :

— Pourquoi tu te laisses faire par ce mec ?

Jeremy me prit le bras et répondit à Christian :

— « Ce mec » est son petit-ami. Nous sortons ensemble, y a-t-il un problème ? Tu dois t'en moquer puisque vous n'êtes qu'amis, n'est-ce pas ?

Je vis Christian blêmir. Il lança un regard à la main de Jeremy sur mon bras et me demanda :

— C'est vrai Aby ?

J'étais très mal à l'aise. J'acquiesçai.

Il recula et serra la mâchoire.

— Tu avais raison, j'aurai dû t'écouter. Je ne supporte pas de te voir avec un autre homme. Arrêtons notre amitié là.

Ses paroles tranchèrent l'air comme des lames aiguisées. Il se retourna et partit vers sa voiture. Mon cœur s'accéléra. Cela ne pouvait pas se terminer comme ça... si ? Je fis un pas en avant mais la main de Jeremy sur mon bras me ramena à lui. Je criai à l'adresse de Christian :

— Laisse-moi t'expliquer !

Il ne se retourna pas, entra dans sa voiture et démarra en trombe. Jeremy se racla la gorge.

— Allez viens, je te raccompagne chez toi !

D'un mouvement brusque je lui fis lâcher mon bras.

— Ce qui vient de se passer est à cause de toi ! Tu n'avais pas besoin d'en faire autant !

Je ne lui laissai pas le temps de répondre et partis à pied chez moi. Arrivée devant ma maison je posai mon front contre la porte et tentai de réguler mon souffle, c'est alors que je vis un papier avec un message écrit à l'ordinateur dessus, coincé sous la porte. Je le saisi.

Mon cœur cessa de battre. Il y avait écrit : « Si tu ne te rends pas, nous tuerons un par un tous ceux que tu aimes. »

Je me laissai choir sur la première marche, devant ma porte. Je serrai le papier dans mon poing pour le réduire à néant. Tout serait bien simple s'il suffisait que je « me rende » mais je savais très bien ce qu'ils sous-entendaient par ces mots. Ils ne voulaient pas que je me rende, ce qu'ils voulaient c'était ma mort.

La tisseuse de rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant