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Je l'avoue, je n'ai pas eu le courage de redescendre. Et, au regard qu'Alec m'a lancé quand j'ai laissé son sac dans sa chambre, j'ai compris qu'il n'avait pas plus envie que moi que l'on soit dans la même pièce plus longtemps. Ce qui me dépasse. Ce n'est quand même pas moi qui ai quelque chose à me reprocher. Mais bon, mon côté contestataire s'est largement fait étouffer par mes vieux souvenirs, alors je suis allé m'enfermer dans ma chambre en criant à mon père que j'allais me coucher. Bien que j'aie mis des heures à m'endormir.

Au matin, je sais que je suis le premier levé et que je devrais être tranquille jusqu'au moment de partir au travail, puisque toute la semaine je fais l'ouverture du magasin, à huit heures. C'est donc comme ça que je me retrouve dans la salle de bain pour me préparer avant de descendre prendre un petit-déjeuner rapide, fredonnant toutes les chansons qui me passent par la tête pour m'occuper l'esprit du mieux possible. J'ai fait de mon mieux pour camoufler les cernes laissés par ma nuit trop courte et, alors que je m'applique à dessiner un trait d'eye-liner noir sur le bord de mes paupières, la porte de la salle de bain s'ouvre brusquement sur ma gauche. Je sursaute et râle, parce que je viens de manquer de peu de m'éborgner.

— Qu'est-ce que tu fais là ? grogne la voix bourrue de celui que j'espérais éviter.

Je me mords la lèvre avant de lever les yeux. Comme la veille, dès que nos regards se croisent, je me sens mal à l'aise et je commence même à trembler.

— Je me prépare, lui réponds-je en détournant le regard vers mon reflet. Je pars au boulot dans moins d'une heure.

— Et tu verrouilles pas la porte ?

Je hausse les épaules et me reconcentre sur mon maquillage. Mais je sens qu'il me regarde encore et ça me perturbe un peu. Est-ce que c'est un crime de laisser la porte déverrouillée alors que je suis juste en train de me maquiller ?

— Tu sais que ma sœur peut entrer à n'importe quel moment dans cette pièce, n'est-ce pas ?

Un rire m'échappe. Vu l'heure, il n'y a absolument aucun risque qu'Isabelle se pointe. Surtout que je l'entends toujours quand elle sort de sa chambre puisqu'elle a la mauvaise habitude de claquer les portes.

— Elle est polie et toque à la porte avant d'entrer, lui fais-je ensuite remarquer.

— Je suis chez moi, pourquoi je toquerais ?

Cette fois, je me tourne complètement vers lui et croise les bras sur mon torse. Il est plus grand que moi – je ne pourrais pas jurer que ce n'était pas déjà le cas lors de notre précédente rencontre – et il me toise en fronçant les sourcils.

— Parce que je suis aussi chez moi et que nous sommes trois à partager la salle de bain de l'étage. Si ça te dérange de me voir me maquiller ou me brosser les dents, il te suffit de me demander de verrouiller la porte à l'avenir. Mais t'as le droit d'être gentil, ça te ferait pas de mal !

Il serre les dents et son regard se pose sur mes affaires, quelques cosmétiques qui pourraient tout aussi bien appartenir à sa sœur. D'ailleurs, après ma conversation d'hier avec elle, j'hésitais à ramener davantage de mes produits de beauté dans la salle de bain... En fin de compte, je vais continuer à les garder dans ma chambre, puisque c'est évident que ça le gêne. La moue sur ses lèvres dit même que ça le dégoûte.

Sans répondre, il repart et claque la porte. Sauf que, contrairement à sa sœur, je ne pense pas que ce soit dans ses habitudes, c'est juste pour me faire comprendre que je l'ai énervé. Je pourrais en être content mais là, tout de suite, je dois me reprendre pour ne pas m'écrouler. Mes jambes tremblent et j'espère qu'il ne l'a pas remarqué.

Je me dépêche de finir de me préparer pour descendre et je suis encore dans les escaliers lorsque je l'entends ressortir de sa chambre pour aller dans la salle de bain. Je pensais être tranquille jusqu'à mon départ mais il vient à son tour dans la cuisine pour manger. On ne s'adresse pas la parole et je garde les yeux rivés sur ma tasse de café pour ne pas être tenté de l'observer. Je veux dire... Il a beaucoup changé physiquement – il a même un tatouage dans le cou – et pourtant je l'ai reconnu à la seconde où je l'ai vu. Combien de fois ai-je espéré ne jamais avoir à lui faire face à nouveau ? Je n'ai jamais vraiment compris ce qui s'est passé ce jour-là et encore moins pourquoi... Mais des images sont restées gravées dans mon esprit. Et parmi elles, ses yeux et le sourire qu'il a échangé avec Jonathan.

Wicked Game [Malec AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant