⬪⬫⬪ 29 ⬫⬪⬫

232 25 38
                                    

Tous ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas du genre à laisser des messages s'accumuler sur mon téléphone sans y répondre, et encore moins sans les lire. Il n'est jamais éteint, jamais en mode silencieux, le vibreur est toujours activé pour, justement, que je puisse regarder les messages que je reçois quand je les reçois. Ça doit être mon petit côté parano, mais s'il se passe quelque chose, je veux être au courant. Depuis l'accident de Papa, c'était peut-être même devenu encore pire qu'avant. « C'était » parce que je ne l'ai jamais aussi peu utilisé que depuis le vendredi précédent.

Cela fait une semaine que les groupes pour le cours de Monsieur Bennett ont été fait, une semaine qu'Emma a créé une conversation groupée et que Cristina, elle et Imasu envoient des messages beaucoup trop régulièrement. Au début, j'y ai participé, ne serait-ce que pour donner mon emploi du temps, et puis Jonathan s'est mis à répondre. À partir de ce moment-là, j'ai pratiquement arrêté de lire les messages. Ce n'est que quand Imasu m'a dit, un matin durant un cours, qu'ils avaient proposé qu'on se voie pour étudier que j'ai été obligé de m'y intéresser de nouveau. Curieux, j'ai même repris le fil de la conversation et j'ai réalisé que Jonathan s'est montré très bavard. Il s'est même excusé parce que je ne répondais pas, disant que c'est de sa faute. Certes, c'est le cas. Mais qu'il s'en excuse me donne de désagréables frissons dans le dos, il fait comme si nous étions proches. Cela me rend méfiant, encore plus qu'avant, et c'est peut-être mon côté parano également, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas louche.

Le vendredi suivant la création de ce groupe improbable, nous nous sommes donc retrouvés à la bibliothèque du campus pour étudier ensemble. J'essaie de n'avoir pas l'air réticent, je n'ai pas envie d'alimenter les rumeurs sur mon compte qui n'ont pas disparues. Mais les tentatives des filles pour que l'on se retrouve seuls me laissent perplexes. Plusieurs fois, elles ont proposé à Imasu d'aller chercher des cafés pour tout le monde mais il a juste décliné. Ça aurait pu être pour que Cristina ait du temps seule avec lui mais, dans ce cas, Emma n'y serait pas allée. Cela dit, pourquoi essaieraient-elles de me laisser seul avec Jonathan ? Je pense qu'il est évident que je ne veux pas avoir affaire à lui.

À leur dernière tentative, il est vingt-et-une heures – on s'est décidés pour ne pas rester plus tard que vingt-et-une heures trente – et Jonathan les accompagne. C'est donc avec Imasu que je reste et je laisse tomber ma tête sur la table.

— C'est moi ou c'est bizarre ? osé-je lui demander.

— Non, c'est pas toi. Mais je t'avoue que je suis un peu soulagé que Cristina n'essaie pas de m'attirer dans un coin.

Il échappe un rire nerveux qui me pousse à le regarder. De ce que j'ai cru comprendre, il n'ose pas encore dire ouvertement qu'il est gay, alors il n'a pas voulu dire à Cristina qu'elle ne l'intéresse pas. Apparemment, elle lui envoie des messages mais il n'y répond pas trop, dans l'espoir qu'elle lâche l'affaire.

— J'imagine que ce serait plus simple si ça se voyait directement, soupire-t-il. Comme toi.

— Parce que je me maquille et qu'il m'arrive de porter des vêtements féminins ? Tu sais que ça n'a pas de rapport, n'est-ce pas ?

Imasu fait la moue et arque un sourcil, ce que j'interprète comme un « mais oui c'est ça » qui m'agace brusquement. Comme je fronce les sourcils, il se reprend.

— Oui, je sais ! Excuse-moi, Magnus.

— Non, non. Excuse-moi, je pensais que tu serais capable de comprendre mieux que les autres.

— Pourquoi ? Parce que je suis gay, je devrais forcément être efféminé ? s'énerve-t-il à voix basse.

— Qu-... Je suis « efféminé » et je ne suis pas gay.

Wicked Game [Malec AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant