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Je ne prononce pas un mot jusqu'à ce qu'on arrive chez nous et Maryse n'a pas protesté quand j'ai repris les feuilles dans son sac. Je l'ai seulement entendu soupirer, je crois que c'est assez clair que je n'ai aucune intention de discuter de quoi que ce soit avec elle, ni avec mon père.

— Qu'est-ce que...? entends-je Papa s'étonner en nous voyant arriver.

— On en parlera plus tard, lui répond Maryse.

Serrant les feuilles d'une main et mon sac de l'autre, je ne regarde même pas mon paternel occupé à remplir le lave-vaisselle et monte dans ma chambre. Ils m'appellent mais je claque ma porte, assez fort pour faire savoir que je ne veux voir personne. Le regard devant moi, je fais un pas puis mon corps cesse de m'obéir quand je réalise ce qui est arrivé ici. Les photos que j'ai dans les mains ont été prises dans cette pièce, l'unique endroit qui n'était qu'à moi et que j'étais le seul à diriger, à décider qui entre et qui n'entre pas. Ma chambre. Pendant mon sommeil.

Je recule et me laisse glisser par terre en sentant le panneau de la porte contre mon dos. Les larmes se mettent brusquement à rouler sur mon visage pendant que je serre les dents pour contenir mes sanglots, je ne veux pas alerter mon père. Je voudrais aller me cacher dans mon lit mais je sais que mes pieds ne m'y mèneront pas et, pourtant, je ne peux pas non plus sortir parce que je n'ai nulle part où aller pour laisser sortir toute ma détresse.

Après quelques minutes, je parviens à me calmer un peu, assez pour assouvir la curiosité morbide qui a commencé à me titiller quand j'ai vu certaines des feuilles. Je sais que c'est une mauvaise idée mais je ne peux pas m'en empêcher. Je les pose par terre et les étale devant moi pour regarder les photos et les messages échangés sur moi. Certaines photos sont encore plus tendancieuses que celles que j'avais déjà vues, et j'ai du mal à croire que j'ai pu ne pas me réveiller. Sur l'une des photos, je suis allongé sur le ventre et je devine sa main, posée au creux de mon dos. J'en ai un haut-le-cœur.

Mais ça devient pire quand je lis les messages. Ce ne sont pas tant les insultes directes comme celle qu'a lancé l'ami d'Alec, ce matin, ou le fait que certaines affirment m'avoir entendu gémir « comme une chienne pendant des heures » une fois la fête finie, mais plutôt ce qui se dit sur les brûlures qui mangent mes cuisses et que je ne supporte pas. Selon certaines personnes elles seraient intentionnelles, on m'aurait même vu me les infliger dans les toilettes de la fac. Les rumeurs vont bon train. Masochiste. Dépressif. Suicidaire. À plusieurs reprises, je lis des messages disant que c'est normal que j'aie envie de me suicider vu ce que je suis. Ou que si je n'essaie pas, ce serait bien que je commence. Je ressemble à rien. Je suis ridicule. Malade. Taré. Le maquillage c'est pour les tantouzes. Il manquerait plus que je porte des jupes.

Je remarque que je pleure quand les larmes sont trop virulentes pour que je puisse continuer de lire. Je laisse tomber les feuilles pour poser mes mains sur mon visage et, cette fois, je ne me soucie plus que l'on puisse m'entendre. Mais ça ne doit pas être le cas parce que personne ne vient frapper à ma porte et je finis par m'endormir d'avoir trop pleuré.

À mon réveil, mes yeux me font mal, je les frotte avant de réaliser mon erreur. Je laisse tout en plan – mon sac, les feuilles, mon portable – pour aller dans la salle de bain et refaire mon maquillage. Je sais que mes yeux rougis me trahiront mais je doute qu'on me demande la cause de mon état. Par ailleurs, quand je sors de la salle de bain, je vois que la nuit est tombée. Izzy et Max sont sans doute dans le salon, le sujet ne devrait pas être abordé en leur présence.

Je passe tout juste la porte de la cuisine lorsque j'entends la voix de ma belle-mère.

— Au revoir, Robert.

Tout le monde, dans la pièce, est figé. Mon père avec Max, sur le canapé, Izzy à l'entrée de la terrasse et Alec, assis sur un tabouret, à un mètre de sa mère qui ne semble pas m'avoir vu arriver. Alec tressaille quand elle se tourne vers lui, elle s'approche rapidement.

Wicked Game [Malec AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant