Chapitre 10

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- Surprise !

Je n'y crois pas. Ma mère, que j'ai vu mourir sous mes yeux... Se retrouve devant moi. Suis-je morte ?

- Mais tu-

Elle me coupe, les lèvres tremblantes.

- Je peux rentrer ? Il fait froid, ici. J'en avais oublié les températures, à force de n'être sortie.

- Bien sûr, entre.  

Je lui ouvre la porte, l'air ébahi par sa présence.

C'est quoi ce bordel ?

Elle me sourit timidement et ouvre ses bras, m'incitant à me blottir contre elle. Ce que, bien sûr, je fais.

- J'ai ramené des chocolats et une bûche au chocolat blanc/ananas. Comme c'était notre tradition, je ne me voyais pas arriver les mains vides après autant de temps.

J'ai envie de hurler, de pleurer et surtout, de comprendre. Comment a-t-elle pu me laisser tomber après avoir vu son corps inerte ? Comment peut-elle revenir comme cela sans se dire que j'aurais l'impression de voir un putain de fantôme ? Que s'est-il réellement passé ce jour ci ?
Je décide de me servir un verre d'eau et de m'assoir calmement sur le canapé, totalement silencieuse. Ma mère l'est tout autant durant quelques secondes, avant de me dire que j'avais un très joli appartement.

J'espère bien, j'ai foutu ma scolarité en l'air pour avoir un peu d'argent et pour payer un loyer.

- Explique moi pourquoi. dis-je, impatiente et perdue.

Elle cesse de respirer un instant et opine.

- Tu ne t'es jamais demandé pourquoi le cercueil n'était pas ouvert ? je remue la tête comme réponse, tu mérites de tout savoir. J'ai essayé de tuer ton père. Par pure vengeance. J'étais amoureuse et lui, me trompait ouvertement. Alors, j'ai engagé quelqu'un. Grosse erreur de débutant. Il travaillait également pour ton père, pour son gang. Tu dois te douter qu'il n'a donc pas assassiné le grand chef. Il a juste joué un double jeu, récoltant des informations sur toi et moi.
Quand Shinichiro est décédé, tout est parti en vrille. Il était persuadé que j'avais engagé un gosse pour le tuer.

- Quoi ? Mais pourquoi tu aurais fait ça ? Il est totalement con ?

- Ça paraissait logique pour lui. L'homme que j'ai engagé m'a donné rendez-vous au parc. Je t'ai amenée avec moi pour te le présenter. Lorsque nous sommes arrivées, il m'a frappée violemment à la tête, c'est sans doute à ce moment là que tu as pensé que j'étais morte. Et il t'a embauchée dans sa boîte de nuit.

- Attends, le traître c'est Albert ? Putain mais quel fils de pute.

- Ton père lui a demandé de prendre soin de toi, tu n'avais ni mère ni père pour t'élever. Il donnait toujours des sommes faramineuses à Albert pour que tu ne manques de rien. Ce dernier s'est vite pris d'affection pour toi et t'as virée.

- Mais-

- Et pour finir, si je n'étais pas là, que je ne pouvais pas revenir, c'est parce que ton père me forçait à travailler avec lui. "Comme au bon vieux temps" imite-t-elle en prenant une voix de bonhomme aigri, il en a eu marre et m'a donné un peu d'argent pour pouvoir survivre durant trois mois. Pendant ce temps, je cherchais du travail. Je ne voulais pas te retrouver pour au final être un poids.

- Donc tu as trouvé un boulot ?

- Oui, en tant que comptable.

- Comment est-ce que tu as réussi à me trouver ?

Ça ressemble à un interrogatoire. Enfin, c'en est un. Mais j'ai besoin de toutes ces réponses. Comme si elle pouvait à nouveau disparaître.

- Je m'apprêtais à te prendre Orgueil et préjugés quand j'ai vu une jolie blonde tenter d'attraper une peluche.

- Mais pourquoi tu n'es pas venue me voir à ce moment là ?

- Parce que tu avais l'air si joyeuse que je ne voulais pas te faire peur ou t'énerver.

Je ne dis rien, elle avait raison. Je suis en colère rien qu'avec son histoire qui semble tout sauf réelle.

- Et après je t'ai croisée devant ton appartement, accompagnée d'un garçon. Je n'étais pas sûre que tu habitais là et je ne voulais pas te suivre. Alors j'ai essayé il y a vingt minutes et je suis vraiment heureuse de voir que tu habites bien dans cet appartement.

J'opine du chef, avalant silencieusement chaque parole sortie des lèvres de ma mère.

- Tu vas rester ?

- Je veux faire partie de la vie de ma fille. Alors oui, je reste.

Je ne montre rien mais intérieurement mon cœur se brise, se recolle, chauffe, refroidi, danse, pleure. Il ne cesse de se contredire. Comme si j'étais consciente que j'avais fait mon deuil, que tout ce que j'avais vécu était faux. Maintenant que j'ai reconstruit ma vie, on me demande de revenir en arrière. Mais en ai-je envie ?
Est-ce que je suis égoïste ?

- D'accord. Mais ne t'attends pas à me voir tous les jours. J'ai refait ma vie et même si tu es ma mère, j'ai du mal à digérer ce que tu viens de me dire.

Elle remue doucement la tête pour dire oui ou d'accord, peut-être même désolée. Je ne sais pas comment réagir, comment lui parler, comment je devrais ressentir les choses.

Tout ce que j'ai appris durant ces années c'est que, même si tu perds tout, rien n'est perdu, rien n'est fait. On joue constamment avec cette roue, qui tourne, s'arrête, redémarre, ralentit, accélère. Et un jour, elle sourit, elle te sourit. Puis elle fait la gueule. Mais elle a souri, et un sourire vaut cent fois plus que des larmes. Alors, accroche toi à ce que tu as et laisse ce que tu perds.

Baji x Oc - Dance With MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant