Si j'avais pensé, six mois plus tôt, que je serai au milieu de mon propre salon de tatouage, je ne me serai pas fait confiance.
Pourtant, je suis là, le premier lundi du mois d'août. Tilla est avec sa meilleure amie à lui faire faire le tour, nos parents les suivent en écoutant ma sœur. Gaëtan et Tiago sont dehors, le second fume sa clope. Des amis sont là, à célébrer l'ouverture du salon, une bière à la main. Il y a aussi des potentiels clients qui discutent avec eux, moi, regardent les dessins au mur, dans le book posé sur le comptoir.
Déjà quatre heures que la soirée d'ouverture a commencé et le monde commence à partir. Pas ma joie, ma satisfaction de voir ce projet être enfin concret. Ma banquière m'a félicité lorsqu'elle est venue jeter un coup d'œil, je l'aime bien malgré qu'elle m'ait fait galérer quelques fois.
— C'est vraiment ton style, cet endroit.
Je souris à ma mère quand elle me rejoint. On ne s'est pas reparlé depuis le mariage de Tilla mais je suis plus calme, maintenant. Ce n'est pas grâce à elle, ni à ma sœur. Elle doit surtout remercier Tiago, sa présence, ses mots, sa façon de m'aider à voir les choses autrement, à me faire dire ce que j'ai sur le cœur. Même le psy que je vois ne fait pas un aussi bon boulot. Par contre, il m'aide à comprendre ce que Tiago ne peut pas faire.
— Merci maman.
— J'aurai imaginé ça plus... dark, ricane mon père en pointant le mur jaune moutarde derrière le comptoir. Mais ça te correspond plutôt bien, la couleur de la joie. Tu ne te laisses jamais abattre.
Quand il plonge son regard dans le mien, j'ai l'impression d'être face à Estéban et ça me tord l'estomac. Alors je force un sourire en le remerciant aussi. Tilla vient à mon secours sans le savoir, son bras qui s'enroule autour du mien. Elle leur demande ce qu'ils pensent du salon et je les écoute discuter. Je ne vois plus que Tiago lorsqu'il rentre de nouveau en riant, Gaëtan qui le bouscule de la main.
Son regard croise le mien et cette fois, ma poitrine brûle d'impatience de me retrouver avec lui. Depuis qu'on a récupéré ma sœur et son meilleur ami, on n'a pas pu se revoir. Il est allé voir sa famille, a bougé avec ses potes, j'ai dû peaufiner les derniers détails ici. Il est rentré aujourd'hui exprès pour moi, alors je veux le remercier comme il se doit, quand tout le monde se sera enfin cassé.
Je laisse mes parents quand un couple vient me voir. On reste un bon quart d'heure à discuter de leur projet, de mon style, du salon et avant de partir, ils prennent rendez-vous. Le quatrième déjà placé, alors que c'est mon premier jour. Je ne m'attendais même pas à avoir un seul rendez-vous.
Puis je réalise alors qu'il ne reste vraiment plus grand monde : les clients potentiels sont partis, nos amis aussi et mes parents embrassent Tilla. Je les rejoins, leur souhaite une bonne soirée en leur tenant la porte. Enfin, il n'y a plus que ma sœur, son mari et Tiago.
— Il reste des petits fours, s'exclame alors Tilla. J'ai tellement faim.
— On va rentrer, râle Gaëtan quand elle en enfourne deux dans sa bouche. Toi, pas d'hamburgers ce soir.
— T'es fou ! J'en prendrai deux !
— Et si vous partez maintenant ? lance Tiago, mesquin. Histoire qu'on assiste pas à votre première dispute.
— Dit-il alors que je l'ai vu peloter son mec dans un coin sombre.
Tilla écarquille les yeux puis recrache sa bouchée quand elle explose de rire. Je lui crie de faire attention, elle se retient à une chaise, une main sur la bouche. Son copain secoue la tête, serviette en main pour essuyer le sol et je l'aide à ranger et nettoyer le reste pendant que ma sœur discute avec Tiago qui tente de sauver les meubles. C'est foutu, Tilla ne le croit pas.
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General FictionLyoris a fait de son corps une œuvre qui raconte son histoire. Tiago, lui, est subjugué par toute cette encre qui cache une âme abîmée. Mais ouvrir son cœur, c'est raviver des blessures. Lyoris le sait mais accepte de jouer le jeu quand Tiago comm...