— Les tatouages te donnent un côté sexy, c'est terrible.
J'écarquille les yeux. Tiago, posé sur le muret à ma gauche, ne rajoute rien de plus. Il n'y a que son petit sourire mesquin, ses yeux qui glissent sur ma peau, et ses doigts qui tâtent sa lèvre alors qu'il fume. Si je suis sexy, il est incroyablement bandant. Mais je ne dis rien, je me contente de pencher la tête en arrière pour fuir son regard perçant. Soit ça, soit je lui saute dessus.
Pour l'instant, je préfère en rester là.
— Pas habitué aux compliments ? lance Tiago dans un rire et je lui lève mon majeur. T'as le même caractère pourri que ta sœur, c'est clair.
Je peux pas lui donner tort alors je ricane doucement en soufflant la nicotine, qui forme un nuage au-dessus de ma tête. Le ciel est bourré d'étoiles, c'est ce que je trouve le plus apaisant, ici. Pas lumière de villes, pas de pollution, juste la nature.
Le bras de Tiago me frôle une énième fois quand il baisse le bras, se penche en avant, les coudes sur les genoux. Je ne vois plus que sa nuque dégagée, ses cheveux noirs, les muscles de ses épaules qui roulent sous son t-shirt.
— Vingt-quatre tatouages, vingt-quatre histoires, murmure-t-il de nouveau. Toutes mauvaises ?
— Non.
Ma langue passe sur ma lèvre inférieure alors que les mots se bousculent dans ma tête. Putain, j'ai tellement plus l'habitude de me socialiser avec des gens que je ne sais même pas comment me comporter. Je tire sur ma cigarette et finis par m'expliquer. Le silence de Tiago est éloquent : il veut une suite. Il me reste plus qu'à faire des efforts pour pas le faire fuir, maintenant.
— Mes tatouages retracent des moments que je considère clefs, dans ma vie. C'est inutile de t'encrer que les pires souvenirs : ça te rappelle constamment ta misère.
Tiago souffle la fumée de sa clope tout en hochant la tête. Il est concentré sur ce que je dis. Ca a un effet grisant, comme si j'étais le centre de son monde l'espace d'une soirée. J'avais oublié ce que c'était, de se poser avec un inconnu, discuter, partager un instant notre temps.
— Raconte-moi une de tes histoires.
Je fronce les sourcils mais Tiago ne bouge pas. J'ai la furieuse envie de tomber dans son regard sauf qu'il se contente de fumer tout en restant silencieux.
Je fais courir mes yeux sur mes bras et rapidement, je trouve le premier tatouage que je veux lui montrer. Je suis en débardeur alors c'est bien plus simple. Je me penche à mon tour et tends mon bras sur sa cuisse, passant mon autre index sur la pièce encré dans le creux de mon coude.
Ce tatouage, c'est un bout de moi. Peut-être que je vais rapidement le faire fuir, finalement, s'il découvre ce que je m'apprête à garder pour moi.
J'inspire et délie ma langue. Les doigts de Tiago attrapent doucement ma peau et me tirent plus près de lui pour mieux voir mon tatouage.
— Je l'ai fait le jour de mes dix-huit ans, c'est mon premier.
Il est tout simple, mais a une valeur immense. C'est un tier de cercle, en forme de puzzle, rempli en noir. Presque aussi sombre que les souvenirs qui y sont rattachés. Ça m'arrache un sourire bancal, tandis que Tiago fait courir la pulpe de son pouce sur les lignes.
— Je crois que je l'ai déjà vu ailleurs...
— Ma sœur a quasiment le même, je confirme en suivant le tracé de son doigt. Elle est ma moitié et je suis la sienne. On l'a fait pour se rappeler que c'est nous deux, contre le monde entier.
Les yeux de Tiago se plissent lorsqu'il se redresse pour me dévisager. Et je vois son cerveau tourner, parce qu'il est loin d'être con.
— C'est pas la moitié d'un cercle, ça, souligne-t-il dans un sourire amusé. Y'a quelqu'un d'autre dans ta vie ?
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General FictionLyoris a fait de son corps une œuvre qui raconte son histoire. Tiago, lui, est subjugué par toute cette encre qui cache une âme abîmée. Mais ouvrir son cœur, c'est raviver des blessures. Lyoris le sait mais accepte de jouer le jeu quand Tiago comm...