Surveillance

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Et une journée de plus sous un soleil de plomb. Assit à même le sol j'écoute mon ennuyeux partenaire raconter comment il a séduit, ou plutôt harceler, une jeune femme dans un bar hier soir. Non content de me faire perdre mon temps, il me bassine les oreilles avec sa misère affective dont je n'ai aucune envie de connaître les détails. Je sais que je suis très mature pour mon âge, mais j'ai quand même quinze ans, gros porc.

C'est l'un des rares moments où je regrette mon ouïe fine. J'ai beau me concentrer sur les cris des marchands, le bruit des animaux et le brouhaha ambiant, je l'entends toujours aussi distinctement.

Cela fait maintenant dix jours qu'il m'accompagne durant mes ventes de poussière d'or, où plutôt que je l'accompagne. Désormais mon travail consiste à faire de la figuration et porter la marchandise. De quoi je me plains dans ce cas ? En plus de l'ennui et d'un partenaire horripilant ? De ma baisse considérable dans la hiérarchie. Avant je pouvais prétendre être l'égale de mes frères de gang, mais désormais je suis le larbin de Komo, ce qui veut dire que je ne suis encore plus bas que lui. Et même le nom de Cassian ne peut pas sauver cette déchéance.

Je retiens un soupir, la dernière fois qu'il m'a surpris à bailler son pied à atterrir dans ma mâchoire et je ne tiens pas à ce que ça recommence. Komo est un idiot de nature violente, mieux vaut ne pas l'énervé.

Une jeune femme au regard fuyant s'approche de nous d'un pas hésitant. C'est la cinquième fois que je la vois en une semaine. C'est beaucoup, même pour des clients réguliers. Sans compter qu'elle tente maladroitement de dissimuler son visage avec sa coiffe à chacune de ses visites. Je l'observe en silence, comme hier elle essaye de marchander sa dose en rappelant qu'elle vient souvent et qu'il pourrait faire un geste commercial.

C'est peiné perdu, que ce soit Komo ou moi, aucun de nous ne prendra le risque de lui faire un prix sachant les conséquences que cela pourrait avoir. Les prix sont les prix, Djiri a été très claire là-dessus et je n'ai pas l'intention de payer la différence pour ses beaux yeux.

Komo n'a pas l'air de la reconnaître car il lui sort exactement le même discours qu'hier et l'envoie balader. Elle grogne et tente une autre approche, plus sensuelle. D'un coup mon partenaire est beaucoup plus attentif ! Bas voyons !

Cette fois je suis obligé d'intervenir. Je me lève, la saisit par l'épaule et éloigne sa poitrine généreuse du nez de mon partenaire. Heureusement pour moi, elle n'est pas très grande et malgré mon mètre soixante j'arrive à la regarder de haut. Mais je me tiens quand même le plus droit possible et lui lance mon regard le plus méprisant.

Elle m'insulte copieusement, me repousse et part en marmonnant dans son voile. C'est vraiment étrange.D'ordinaire les camés à qui on refuse une vente tombent dans la tristesse, la dépression, la fatalité, pas la colère. Je la suis du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans une ruelle. Une part de moi veut la suivre, mais si je m'éloigne Komo le dira à Djiri que j'ai quitté mon pote et j'aurais encore une ristourne sur mon salaire.

Je soupire et pose ma tête contre le mur derrière moi. Tant pis pour mon intuition, le risque n'en vaut pas le coup.

Lorsque quinze heures sonne, nous terminons enfin notre quota du jour. Il nous reste encore cinq sachets de poussière, mais Komo en a marre et malheureusement c'est lui le boss. Moi qui espérais pouvoir me faire un peu plus d'argent en dépassant le notre quota maintenant qu'on est deux, j'ai très vite compris que ce n'est pas dans les objectifs de mon partenaire. Au moins ça me permet de rentrer plusieurs tôt, c'est déjà ça.

Nous ramassons nos affaires et quittons le marché.

Comme tout le reste de la journée, Komo parle de lui. Encore et encore... Il en a jamais marre sérieux ? Je prends une grande inspiration et détourne mon attention sur les passants. Des femmes un sac de course sous le bras, des enfants jouant dans les rues, des hommes assis autour d'une nappe devant un jeu de cartes ou de dé, un après-midi classique dans les rues D'Era.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant