L'heure du thé

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Le salon floral est probablement la plus belle pièce du palais. Situé aux derniers étages de l'aile Sud, c'est l'une des rares salles publiques qui offre une vue imprenable sur la ville en contrebas. Les murs en pierre sont recouverts de tapisseries brodées, représentant les légendes de la déité du désert, et de plantes grimpantes. Les meubles sont en bois massif poli drapé de soierie aux couleurs chatoyantes et des dizaines de vases accueillent toutes sortes de fleurs. Ce sont ses plantes aux multiples couleurs et senteurs qui donnent son nom au salon. Un serviteur est dédié à leur bien-être. Une ouverture au plafond offre un puits de lumière juste au-dessus des canapés où sont installés Damian et la princesse.

C'est la pièce préférée de la reine et je comprends pourquoi. On est loin des artifices clinquant de la salle de verre ou de la majesté de la salle du trône. C'est un lieux plus intimiste, très lumineux, où il est bon de se détendre avec un livre et une tasse de thé.

Zéfia, une petite jeune femme à peine plus âgé que moi, aux yeux sombres et aux longs cheveux noirs tresser, surement pour plaire à la princesse Galine, prépare le thé comme le veut la tradition d'Era. Versant délicatement l'eau, chauffé via la cheminée, dans une théière en or massif, au fond de laquelle reposent plusieurs feuilles de thé noir. Ces dernières viennent directement du jardin de la reine. En grande amatrice, elle a fait installer toute une théière sur les toits du palais.

Des feuilles de menthe, importation de Filkunston et des morceaux de sucre sont à disposition sur la petite table basse en bois brillant.

La princesse Galine, toujours aussi magnifique, à troquer sa robe blanche, pour un modèle plus foncé. Peut-être pour être assorti au prince ? Mon cœur se serre à cette idée. Damian de son côté n'a fait aucun effort. Une simple chemise en coton noir, un pantalon légèrement bouffant se perdant de ces bottes haut à talon. Il n'a même pas mis sa couronne.

Je me retiens de soupirer. Il est vrai qu'il a été pris au dépourvu par cette invitation, mais quand même !

Mel est fidèle à lui-même, arborant le noir de Damian et son écharpe rouge de Corbeau, la tête haute et le regard fixe. Quand moi, je porte mon uniforme noir avec élégance, même si personne ne semble y faire attention.

Derrière la princesse, Elija, qui s'est aussi tressé les cheveux, et une autre dame plus âgée que je ne connais pas, nous scrute en silence.

Trois servantes ? C'est plus que je ne l'aurais cru. La reine doit beaucoup l'apprécier pour lui faire don d'autant de ses filles.

Lorsque l'infusion est prête, Zéfia saisit la théière et verse d'un geste maîtrisé le liquide ambré dans les tasses dorées.

— Du sucre ? demande-t-elle au prince en désignant la petite boîte en verre d'un geste de la main.

— Non, merci, répond le prince.

La servante hoche la tête et tend la tasse à Damian qui hume les volutes de fumée d'où se dégage une odeur âcre et amère. Je grimace, rien qu'en imaginant le goût. Comment fait-il pour boire sans sucre ?

Le prince prend une gorgée de sa boisson, les yeux fermés pour profiter au mieux de ses arômes, puis pousse un long soupir de satisfaction.

— Il est parfait.

Zéfia sourit et sers la princesse sans sucrer sa boisson. Galine grimace. Elle qui est habituée à ce qu'hommes et femmes soient traités avec équité, voir qu'on ne lui demande pas même si elle veut du sucre ou non doit être insultante. Mel serre les dents à ma droite. Même s'il a déserté, il reste un peu attaché à la famille royale Filkunstien. Et Damian qui continue à boire comme si de rien était. Il n'est pas possible.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant