Début des ennuies

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J'ai eu du mal à reprendre un rythme de travail normal. Après presque une semaine à jongler entre les casquettes, s'occuper uniquement des pots de chambre est reposant. Même si maintenant j'ai mal à des muscles dont j'ignorais l'existence.

Dans l'aile sud, après avoir abandonné mon chariot dans le couloir de service accoudé à l'étage des invités, je m'approche de la chambre de la princesse Galine le cœur battant. Elle n'est probablement pas là, mais rien que de voir son intimité je me sens rougir. Je connais par cœur les chambres blanches et sans décoration des invités : un lit, une commode, des voilages, des fresques sur les murs... rien de comparable à celle des royaux. Mais je ne peux m'empêcher de me dire qu'une fois habiter elle sera différente. Qu'elle devient à l'image de son occupante.

Je prends une grande inspiration et toque trois fois en m'annonçant.

À l'intérieur, j'entends des frottements et des gémissements grognons. Elle est là. Mon cœur accélère et je rougis à l'idée de la déranger dans un moment intime.

Enviska ! braille-t-elle de sa douce et mélodieuse voix Filkunstienne.

Je pousse délicatement la porte, jetant un œil prudent de l'autre côté. Elle me tourne le dos, ses mains tentant vainement de tirer sur les lacets de son vêtement.

Touz vitiki vins ! Viadas mi !

Il me faut une quelques secondes pour traduire sa demande. Je ferme la porte et m'approche de la princesse, mon pot toujours entre les mains.

— Votre altesse...

Semblant se rappelle qu'elle n'est pas dans son pays, elle se racle la gorge avant de reprendre.

— Peux-tu m'aider s'il te plaît ? J'ai du mal à lacer ma robe.

Sa voix sonne comme une symphonie à mes oreilles, aucune faute d'élocution, juste un délicat accent mielleux encore plus raffiné que celui d'Elija.

Je dépose le pot et saisis doucement les lacets. C'est comme une natte qui maintiendrait là-haut de son vêtement. Je n'avais jamais vu un système comme celui-ci. C'est fascinant. D'un geste hésitant, je tresse les lacets de la même façon que je me suis occupé des cheveux de Mel.

Elle me jette un regard intrigué par-dessus son épaule, arquant un sourcil.

— Tu sembles savoir ce que tu fais.

Je déglutis, le rouge me monte à nouveau au rouge. Elle est si proche. Je peux sentir son parfum, un mélange de pin et de sucre. Les lacets sont d'une infinité doucement qu'il glisserait presque entre mes doigts tremblants.

Calme toi Eden... Ne te laisse pas impressionner...

— Un ami m'a appris...

Par Ewadun, pourquoi ma voix tremble comme ça ! Tu fais pitié, Eden, ressaisit toi !

— Le Ristan du prince ?

Ristan, Corbeau en Filkunstien. Elle fait vite le lien. Après il est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de Filkunstien dans le palais. Et que le tressage est un art inconnu à Era.

— Oui votre altesse.

— Je vois.

Son regard se fait plus inquisiteur et mon cœur loupe un battement. Belle et intelligente, le rêve de tout homme.

Je termine et recule d'un pas, inclinant légèrement la tête en signe de respect. Elle s'approche du miroir en pied et observe son dos avec satisfaction. Le tressage maintient les plis de sa robe pour sculpter sa silhouette et marquer sa taille avant qu'un long voile bouffant ne couvre ses hanches et ses jambes. Elle attrape un épais collier en métal coré qu'elle dépose sur son cou.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant