{4} L'ange des eaux

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Je me suis levée tard de nouveau, ayant été obnubilée toute la nuit par la disparition du cadavre de Kelly Taylor. Quand j'ai ouvert les yeux, le soleil commençait déjà à être haut dans le ciel. En descendant avec mon pull large, je salue brièvement mon père en train de préparer le petit-déjeuner, un détail que ma mère n'a pas tardé à relever :

— Je n'arrive pas à croire ce que je vois... Tu as fait le petit-déjeuner ?

— Oh, j'ai fait un truc avec des œufs, on va voir si c'est bon.

— C'est sûr qu'on peut pas appeler ça une omelette, grommelai-je en me servant une part gluante.

— Je suis sûre que c'est délicieux, contredit-elle. Vous vous levez tôt...

— Pour moi, c'est tard, bâillai-je.

J'ai laissé mon regard se perdre sur des articles découpés sur le vol huit-cent-vingt-huit, ainsi que des détails au sujet des passagers. Il y avait des post-its, des gribouillis et des chutes de papier partout. Un morceau d'œuf collant dans la bouche, je demande :

— Tu as une nouvelle passion pour le collage ?

— Tu me connais, je suis un vrai écureuil.

— Au fait, fit ma mère tout en ouvrant le placard du thé, ton père a appelé. Apparemment, Cal veut absolument rester un jour de plus au lac. Le prochain traitement n'est que ce week-end.

— Combien de fois Cal voulait y aller mais était trop malade ? se remémora mon père avec un sourire fier. Ça me va si ça te va.

— Alors c'est bon.

— Papa, commençai-je, je ne veux pas te vexer mais... il y a un bout de coquille dans les œufs.

Après un court silence, tous les trois avons éclaté de rire. Je suis montée prendre une douche et m'habiller, puis ai tenté de trouver sur l'ordinateur familial des leçons sur le Net ; je n'aurais jamais cru dire ça un jour, mais apprendre me manquait. Mes recherches ont été interrompues par un appel de Saanvi sur le portable de mon père : elle avait du nouveau, et comme je n'avais rien de mieux à faire, j'ai accompagné mon géniteur au laboratoire. En nous voyant, la belle scientifique s'est interrompue dans son travail pour nous amener dehors discuter au calme.

— Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit mon père. Tout va bien ?

— Pas d'après mon scanner cérébral.

— Qu'est-ce qu'il y a avec le scanner cérébral ? demandai-je.

— J'ai vu quelque chose.

— D'accord...

Elle regardait sans cesse par-dessus son épaule, comme si elle craignait d'être suivie ou écoutée. Cette manie acheva rapidement de faire tambouriner mon cœur dans ma cage thoracique, par crainte à mon tour de ne pas être seule avec eux.

— Quelque chose qui n'était pas là, reprit-elle. Le neurologue a parlé d'une hallucination, mais je pense que c'était un genre de signal.

— Comme le soir où l'avion a explosé ?

— Moins fort, souffla mon père.

— Désolée...

— En quelques sortes. Mais c'était une image fugace, et là c'était... c'était réel. Enfin, évidemment, ça ne l'était pas mais... on dirait que je deviens folle.

Vu le regard qu'elle avait en ce moment même, je l'aurais bien crue.

— Nous sommes les seules personnes à qui tu n'as pas besoin de dire ça, assura mon père. Qu'est-ce que tu as vu ?

MANIFEST - The Calling (Parties 1 à 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant