{29} De glace et de feu

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Tout est flou. Tout me fait mal. Je ne sais pas où j'en suis. La vie ? La mort ? Un mélange des deux ?

Quoi qu'il en soit, on ne ressent pas de douleur quand on est mort. Or, elle était là, cette souffrance atroce qui m'assaillait le front sur la partie gauche. Je sens mon visage grimacer malgré moi, et tente de rouvrir les yeux avec difficulté. Faute de pouvoir contrôler mon corps, j'essaie de reprendre possession de mon esprit. Le mariage. TJ qui part en Égypte. Cal et moi sur la pelouse en train de dessiner avec des feux d'artifice supplémentaires du gâteau...

Oh, non.

— Cal, entendis-je. Cal !

Cette voix lointaine, c'était la mienne. J'appelais son nom dans un grand vide alors que mes oreilles bourdonnaient. J'avais très froid, et toujours très mal à la tête. C'était comme si j'étais à deux doigts de perdre à nouveau connaissance.

— Cal... Cal...

Je parviens à rouvrir les yeux, et découvre avec stupeur que nous étions au petit matin d'après la luminosité. J'étais toujours dans la camionnette, sans la présence d'aucun des trois hommes cette fois-ci. Nous ne roulions pas. Et à quelques mètres, les mains liées dans le dos et ses jeunes joues baignées de larmes... Mon petit frère.

— Ava !

De ma vision floue, j'ai distingué sa doudoune rouge qui grossissait dans mon champ, autrement dit il se rapprochait. J'ai essayé de me redresser en m'aidant de mes mains, mais elles étaient aussi liées dans mon dos avec du scotch, tellement serré que le sang peinait à circuler jusqu'aux extrémités. J'ai basculé et me suis affalée par terre en grognant. Ce fut la voix de Caleb qui m'empêcha de replonger dans le néant :

— Ava, tu vas bien ?

Tout allait vite dans ma tête. Nos ravisseurs étaient partis. Autrement dit, nous avions le champ libre. Mais pour combien de temps ? Usant de mes quelques abdominaux, je me redresse et me colle contre le corps tremblant de Cal. Je sentais qu'il se remettait à pleurer, dans un mélange de soulagement et de terreur quant à la suite. C'était la première fois que nous étions dans cette situation, et sûrement la dernière... Mais je ne savais pas encore dans quel sens.

— On n'a pas beaucoup de temps, haletai-je pour chasser mes larmes. Tu sais où ils sont ?

— Allés acheter des trucs dans une supérette, bredouilla-t-il. Ils ont tout verrouillé, j'ai déjà essayé.

Bon sang, un garçon de son âge n'était pas censé être confronté à ce genre de situation... Et encore moins réfléchir comme un adulte.

Mes yeux se sont portés sur la poignée de la porte arrière. Les fenêtres étaient en double-vitrage, autrement dit nous avions très peu de chances de les casser et ça provoquerait un bruit monstre. Cependant, si je me détachais, j'aurais plus de chances d'accéder au tableau de bord, au frein à main et à tout ce qui pouvait nous sortir de là... C'était là que la poignée entrait en jeu. Elle était givrée par le froid, et ça tombait bien : il me fallait quelque chose de tranchant.

— Je vais essayer de découper le scotch autour de mes poignets, déclarai-je. Pendant ce temps, fais le guet discrètement à la fenêtre.

— D-d'accord.

Sans hésiter, je commence à frotter le scotch contre la glace dès qu'il me tourna le dos. Je grimaçais face à la douleur qui me faisait chanceler, mais mon instinct de survie était plus fort grâce à l'adrénaline. Je continuais de frotter frénétiquement, encore et encore, et d'autant plus lorsque Cal se tourna vers moi avec horreur :

— Ils reviennent !

— Merde, pestai-je.

D'ordinaire, il m'aurait sorti sa réplique « un bâtard, un dollar », mais il n'avait pas la tête à ça. Moi non plus. J'appuie plus fort et plus vite sur mes liens, tant bien même qu'à défaut de les couper, je venait de m'entailler la paume de la main. Je gémis, sens le sang couler, et n'ai pas le temps de me remettre que j'entends la camionnette se déverrouiller. Aussitôt je repris ma place initiale, dissimulant ma blessure pour ne pas qu'ils se doutent de quelque chose.

MANIFEST - The Calling (Parties 1 à 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant