{6} La fièvre bulgare

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Je dormais paisiblement dans mon lit, quand j'ai entendu un hurlement déchirer mes tympans. Je me suis réveillée en sursaut, pensant qu'il s'agissait d'un simple cauchemar, mais une voix enfantine continuait de crier des syllabes assemblées ensemble qui ne voulaient rien dire. En sueur, je soulève brusquement ma couette en reconnaissant :

— Caleb.

Sa chambre étant à côté de la mienne, je pouvais déjà percevoir son souffle effréné. Sans prendre la peine de mettre mes chaussons, je débarque dans sa chambre en pyjama, allumant la lumière qui m'éblouit un instant. Il s'était redressé, lui aussi trempé de sueur en agrippant son doudou comme une bouée de sauvetage : il avait peur. Sans hésiter, je me suis précipitée vers lui et l'ai pris dans mes bras en soufflant :

— Chut, calme-toi, calme-toi...

Mais il se remit à crier la même suite de syllabe. Un détail fit brusquement pâlir mon visage : il était brûlant.

— Ava ! Cal !

— Je l'ai trouvé comme ça ! paniquai-je en voyant mes parents accourir.

Ma mère s'est assise à côté de nous, et j'ai accepté de le lâcher pendant que mon père portait sa main sur son front :

— Va chercher le thermomètre, il est brûlant.

Maman a couru hors de la pièce à toute vitesse, et j'ai repris Cal dans mes bras en l'entendant répéter la suite de syllabes imprononçables. Cherchant à le calmer, je lui souffle :

— Chut... tout va bien.

— Papa est là.

Mais son visage continuait d'être tordu de douleur :

— Ils me font du mal ! s'époumona Cal. Aidez-moi !

Face à ces nouveaux hurlements, tante Michaela débarqua en courant dans l'entrée de la chambre :

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

— C'est juste un mauvais rêve, tenta de calmer mon père. D'accord ?

Il embrassa le crâne trempé de Caleb, qui beugla de toutes ses forces :

— Non, non, non ! Pas la porte rouge !

Puis il se remit à chouiner et à dire cette suite de syllabes incompréhensible. Revenant au bout de ce qui me paraissait avoir duré une éternité, ma mère pose le thermomètre sur le front de mon frère en soufflant :

— Laisse-moi voir...

— Non, non, non ! Pas la porte rouge !  

— Trente-neuf cinq, pâlit-elle.

— On doit l'amener à l'hôpital, décida aussitôt mon père.

À ces mots, j'ai compris la gravité de la situation et me suis mise à pleurer malgré moi. Mon père a soulevé le petit corps tremblotant de Caleb en lui chuchotant :

— Ça va aller, mon grand. Ça va aller...

Il a contourné maladroitement le lit sous mon regard larmoyant, qui a croisé celui de tante Michaela avec terreur. Nous nous sommes tous habillés précipitamment, et j'ai pris les premiers jean et t-shirt que j'ai trouvés sans même prendre le temps de mettre un soutien-gorge. Caleb continua de gémir tout au long du trajet en voiture, durant lequel il était bloqué entre mon père et moi sur la banquette arrière. Finalement, en arrivant à l'hôpital en pleine nuit, il a été tout de suite pris en charge et on lui a administré des calmants pour qu'il s'endorme.

J'avais un désagréable air de déjà-vu... Son visage pâlichon trempé de sueur dans cette combinaison, cette satanée combinaison d'hôpital. Tout me portait à croire que les choses n'avaient pas tant changé que ça finalement, l'histoire restait la même : Cal, allongé dans un lit et nous trois autour avec inquiétude. On lui a fait subir tout un tas d'examens pendant son sommeil : prise de sang, de tension... Au petit matin, je n'étais toujours pas parvenue à m'endormir, sans doute parce que j'avais trop peur qu'on m'annonce à mon réveil une terrible nouvelle. Une infirmière à la voix douce s'approcha de la chambre et entra accompagnée de Saanvi, pendant que ma tante passait des coups de fil pour prévenir son travail :

MANIFEST - The Calling (Parties 1 à 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant