{21} La guerre des mondes

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— On doit commander plus de gobelets.

Les cheveux au vent, je me tourne vers Isaiah et quitte la tâche que j'étais en train de faire pour lui annoncer :

— Oh, Isaiah, on en recevra mardi.

— Comment on faisait avant que tu nous rejoignes ? plaisanta-t-il.

Touchée, je ris un peu faussement et recommence à trier les flyers par ordre de taille. Pour briser le silence, je déclare :

— Et bien... ne le dis pas à mes parents, ou ils m'ajouteront des corvées.

Je minimisais, bien sûr... Évidemment qu'une sentence terrible irait avec le fait que je fréquente l'église des Croyants. Pour eux, c'étaient des fous, pas des personnes bienveillantes avec lesquelles on pouvait s'entendre. Ici, je me sentais enfin à ma place, à aider de mon côté en tant que passagère du vol huit-cent-vingt-huit et à répandre des miracles. Face au rire sincère d'Isaiah, je me permets d'ajouter :

— Mais ils ne viendraient pas ici, les connaissant.

— C'est comment...?

Perturbée, je me tourne vers lui et son regard admirateur. Le fait qu'une personne plus âgée me traite avec autant de respect me flattait, j'ai donc continué de l'écouter :

— Être une revenante ? Répandre le miracle ?

— Pas aussi formidable qu'on...

Surprise par un bruit sourd, je m'arrête nette dans ma phrase. Quelque chose de lourd venait de s'écraser dans la salle de réunion, et ce avec un grand bruit. Isaiah et moi nous sommes retournés d'un même trait, et, paralysé, il n'osait pas bouger. J'ai dégluti puis me suis avancée en prenant une grande inspiration. Plus je m'approchais du carreau vitré de la porte, plus le fracas des meubles et des chaises se faisait entendre. Le cœur battant, je m'approche de la vitre et souffle :

— Punaise...

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

C'était le chaos à quelques mètres de nous. Des personnes en sweat sombres à la capuche relevée envoyaient ensemble valser une table remplie de gobelets, des gobelets que j'avais placés ici vingt minutes plus tôt. Une batte de baseball dans la main, chacun saccageait de son côté le lieu de culte avec une violence inouïe, et j'ai compris à leur croix rouge taguée sur le mur et les posters de l'église qui ils étaient : des Xers. Ainsi les avait-on surnommés dans la presse à cause des X rouges, leur marque de fabrique.

Paniqué, Isaiah me prit par l'épaule, si vite que je me suis retournée en pensant que c'était l'un d'eux. D'une voix ferme, il dit avec assurance :

— Ils ne doivent pas te voir. Reste ici, appelle Adrian.

Mon cœur battait à tout rompre. Sans hésiter une seconde de plus, Isaiah me fit reculer de leur champ de vision et se précipita à l'intérieur de la pièce pour les stopper :

— Arrêtez ! C'est un lieu de culte !

D'une main tremblante, je sors mon portable et fais défiler mes contacts à toute vitesse. Adrian, que j'avais dissimulé sous le nom de « Tommy » pour ne pas que mes parents tombent dessus arriva rapidement. Mon téléphone à l'oreille, je me tourne si vite qu'une partie de mes cheveux colorés me fouettaient le visage : les assaillants de l'église venaient de projeter Isaiah à terre, et le ruaient de coups avec leurs battes de baseball. Impatiente, j'entends une fois automatique me déclarer à l'autre bout du fil :

— Laissez un message.

Soupirant bruyamment sous le stress, je laisse tomber cette option et range mon portable. Deux choix s'offraient à moi : soit je courais sauver Isaiah, en sachant que mon visage de passagère ne ferait que redoubler leur colère ; ou alors je fuyais, laissant le pauvre homme se faire tabasser. Je voulais appeler la police, mais ils finiraient par remonter vers moi... Or, je ne voulais surtout pas que ma famille apprenne que je fréquente des Croyants.

MANIFEST - The Calling (Parties 1 à 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant