Ayatorah et Ghost (Thème : La journée d'un chat)

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Mon esprit sort doucement des ténèbres dans lesquelles il était plongé. Ma soigneuse passe délicatement ses mains sur mon corps douloureux et laisse son énergie circuler pour panser mes blessures. Mes muscles sont encore engourdis, j'arrive malgré tout à ouvrir les yeux et m'aperçois que c'est déjà l'après-midi.

Heureusement, je suis confortablement installée parmi les coussins moelleux. Vous allez me dire que ça ressemble au paradis, mais il y a un petit bémol qui est...

—  Maman ! Maman ! Elle a ouvert les yeux ! s'égosille le mini-humain femelle présent non loin de moi.

Je crois que vous avez deviné de quel bémol je parle... Oui, oui, c'est ça ! Vous savez, ces petites créatures agaçantes qui crient, parlent sans cesse, bougent dans tous les sens...

—  Maman ! Maman ! Je peux la caresser ! piaille-t-elle de nouveau avec sa voix aiguë qui, il faut l'avouer, est désagréable à mes oreilles.

Oh que non, cette petite chose ne va sûrement pas poser ses mains sur moi. Je lui fais clairement comprendre mon désaccord en plissant les yeux et en abaissant mes oreilles en arrière. Cette stupide créature ne semble pas comprendre et continue à s'approcher de moi. Je poursuis donc ma démonstration en retroussant mes babines pour dévoiler mes canines. J'accompagne le tout d'un feulement que je veux terrifiant, mais qui, à l'arrivée, est à peine plus virulent que celui d'un chaton. Désespérant... je suis tombée bien bas... je vous le concède, je n'ai plus grand chose d'une légende...

—  Crystal, tu veux bien attendre, s'il te plaît. Tu vois bien qu'elle n'est pas d'accord. Laisses-lui un peu de temps. Après ce qu'elle a vécu, il faut y aller tranquillement, et puis elle ne nous connaît pas... lui explique ma soigneuse avec délicatesse.

Bref, je préfère ignorer cette insignifiante créature pour le moment qui, finalement, obéit.

Vous aimeriez savoir comment ma journée a si bien commencé ce matin, pour que j'atterrisse dans une maison inconnue à me faire soigner et m'y réveille cet après-midi...

Je vais vous l'expliquer dans les grandes lignes, comprenez que je n'ai pas très envie de m'étendre sur la fin de la légendaire Ayatorah, Gardienne des terres sauvages de Menos.

Je suis réputée... Non ! correction... J'étais réputée pour mes talents exceptionnels tant au combat qu'en magie élémentaire. Ce n'est pas pour rien que l'on m'a nommée gardienne après tout. Personne n'a jamais foulé impunément les terres de Menos sans connaître mon courroux.

Ma magnifique silhouette faisait frémir les quelques audacieux qui tentaient de s'y aventurer. Ils leur suffisaient de voir ma robe noire aux reflets bleutés et mes yeux jaunes orangés perçants pour qu'ils comprennent que la légendaire et redoutée Ayatorah se tenait face à eux.

Avec le temps, j'ai pris confiance. Trop confiance. Si bien que ce matin je me suis faite avoir comme une bleue par cette vieille bique de sorcière. Bref ! Je pensais qu'elle avait renoncé, j'ai baissé ma garde... Grosse erreur !!!

Je ne me souviens guère de comment cela a tourné, je n'ai que quelques brefs flash. Elle me tenait par le cou et prononçait son incantation... Sa brume est finalement apparue et s'est enroulée autour de mon corps, telle des tentacules qui empoignent leur proie.

Je l'ai senti extirper tous mes pouvoirs et même mon essence vitale, si bien que j'étais à peine consciente lorsqu'elle m'a jetée, tel un fétu de paille, dans la forêt pour me laisser en pâture aux prédateurs. Elle s'est sûrement dit qu'ils finiraient le travail, mais c'est sans compter que l'on ne me tue pas si facilement.

Je me suis réveillée ici avec les douces caresses de ma soigneuse, ses mains délivrant leur chaleureuse énergie pour me guérir.

—  Maman ! Maman ! On va la garder, hein ? demande de nouveau le mini-humain femelle.

"Non, mais oh ! Je ne suis pas une chose que l'on possède ! C'est la meilleure !"

Je lui exprime mon mécontentement dans un miaulement d'agacement. Là encore, c'est un échec ! Il ressemble à l'appel d'un chaton qui a faim... Tristesse...

—  Doucement, Crystal. Je crois que notre invitée a faim. Je vais chercher ce qu'il faut. Tu ne l'embêtes pas, je compte sur toi, lui dit-elle de sa voix douce et agréable.

—  Promis, Maman !

Bon, visiblement, mon miaulement n'a rien d'effrayant. En même temps, j'ai l'estomac dans les talons et mon ventre ne se gêne pas pour l'exprimer... Je me rallonge sur le ventre, position somme toute plus convenable et présentable pour une féline de mon rang.

Dans tous les cas, je garde à l'œil ce petit être bruyant jusqu'à ce que ma soigneuse revienne. La petite me fixe dans les yeux et soutient mon regard. Elle est courageuse, je dois le reconnaître. Je commence à l'apréc... "NON ! Mais qu'est-ce que je suis en train de penser !"

Ah ! Ma soigneuse dépose mon repas devant moi et ça sent tellement bon... et... "Hummm... c'est bon !"

—  Maman, on va l'appeler comment ? demande Crystal. Vu qu'elle est toute blanche, on pourrait l'appeler Neige !

"NON ! MAIS OH ! Je n'ai plus ma robe ténébreuse, ni même mes pouvoirs, mais il ne faut pas exagérer ! Pas besoin d'en rajouter !" Je lève la tête de ma gamelle et la regarde en mettant mes oreilles en arrière.

—  Elle n'a pas l'air d'accord, lui dit ma soigneuse en riant.

—  Perle !

"N'IMPORTE QUOI !" J'abaisse un peu plus mes oreilles. Je vais finir par lui dire le fond de ma pensée à cette petite enquiquineuse !

La petite plonge de nouveau son regard dans le mien, je le soutiens ! Je veux qu'elle comprenne que je ne suis pas n'importe qui, même si je ne serai plus la redoutable Ayatorah, je n'en reste pas moi une féline dangereuse.

—  J'AI TROUVÉ ! crie-t-elle comme si elle venait d'avoir une révélation.

Je relève mes oreilles de surprise. Ça a été plus fort que moi, réflexe !

—  Ghost ! On va l'appeler Ghost !

"Hey ! Pas mal petite, qu'il en soit ainsi ! J'APPROUVE !"

La journée se conclut avec la naissance de Ghost alors qu'elle aura démarré avec la chute d'Ayatorah. Après tout, les chats ont neuf vies...

Défis d'écritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant