Les stroboscopes m'aveuglent presque, la fatigue se fait ressentir mais j'essaie de lutter. Je dois lutter. Je me lève de ce canapé qui retient déjà les marques de mon assise, trop bien supportée. Tout ce petit chemin pour aller se remplir un gobelet d'eau doit passer par la piste de danse.
Ce n'est pas vraiment une scène très adéquate, quelques lumières tournées vers le devant de la télé, une enceinte et sept filles qui sautillent devant la baie-vitrée. Je ne danse pas, enfin plus, sûrement parce que le courage m'a abandonné. Je ne voulais pas aller à cette soirée.
Je n'avais pas envie de la revoir, pas envie que tout me retombe encore dessus comme une enclume qui percuterait ma tête. Ma seule envie était de m'endormir et de ne jamais voir ce fichu décompte pour la nouvelle année. Nouvelle année qui d'ailleurs s'avère très mal commencer. Je me perds dans ses parfums avant d'atteindre le robinet.
De là où je suis, je peux voir les filles danser, tandis que le reste des fêtards sont partis à l'étage, pour fumer possiblement. Je ne fume pas, mais ce n'est pas la raison pour laquelle je ne les rejoins pas. Je pourrais grimper ces escaliers pour aller me poser auprès d'eux et tenir une conversation qui ne me demanderait pas de rester debout. Cette atmosphère serait plus propice à mon état actuel. Pourtant je retourne m'asseoir, en bloquant ma respiration pour traverser la piste, sur ce grand canapé qui garde encore mon empreinte. J'ai la vue sur tout le salon.
L'amie que j'ai emmenée se tient à côté de moi, et me glisse rapidement à l'oreille qu'il n'y avait pas de quoi avoir peur d'aller à cette fête. Ma peau avait dû libérer quelques litres d'eau avant de franchir le palier de la porte, mais la bière que j'avais prise quelques dizaines de minutes avant m'aidait sûrement à relativiser.
Je la regarde alors en lui souriant, gardant secret le petit espoir qui brûlait toujours en moi. Cela faisait un bon bout de temps que je n'avais pas vu une des filles qui dansaient. Trois mois, me semble-t-il, que nous ne nous étions pas adressé la parole.
Néanmoins une sorte d'attraction nous liait toujours, comme avant. Si je devais comparer ce que nous avions vécu à un feu, je dirais que les mois qui précédaient notre dispute représentaient un véritable brasier. Ce soir, cette force relatait de braises, mais j'avais l'impression que ça brûlait encore. C'était elle qui choisissait la musique. J'avoue. J'espérais qu'elle passe la nôtre, un peu dans le style des fêtes, connue et entraînante.
J'essayais d'étouffer ce désir chaque seconde, car ça me faisait du mal d'y penser, en sachant qu'elle ne la passerait jamais. À ce moment précis, ma présence à cette fête prend alors tout son sens. Je ne voulais pas être présent, je m'étais dit qu'il valait mieux ne pas y aller. J'y suis allé.
J'avais envie de l'effacer, d'un trait, d'un gommage, je voulais que tous mes souvenirs disparaissent. J'avais fait le deuil d'une quelconque relation. J'ai fait le deuil. Je fais toujours le deuil. Je suis en train de faire le deuil ? Non, bien sûr que non. Je ne l'aime plus, du moins ce n'est pas ce qui me pousse à ne pas la lâcher des yeux. Je me laisse porter, voilà c'est pour ça que je suis là, je n'agis pas, je laisse faire. Je devine quelques coins de l'œil de sa part en ma direction, je devine ou j'espère.
J'idéalise, comme je fais souvent. J'espère qu'elle pense presque pareil que moi. Presque, car si elle pense la même chose, aucun de nous deux ne bougera. Je n'aurai pas la force de bouger, pas le courage, peut-être pas l'envie, je ne sais pas. En réalité ce soir, je n'ai envie de rien. Je prends ce que le destin me donne et je souris. Je ne fais qu'espérer, espérer que si je continue à marcher dans cette direction, à chasser les barrières, j'espère que je ne marche pas vers le couloir de la tristesse pour rien.
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