Chapitre 2

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C'était un soir de décembre. Le téléphone de Béatrice sonna en plein repas. C'était un numéro inconnu, qui semblait venir de l'étranger. Elle se leva de table un peu nerveuse, en faisant signe à Benoît et Antoine de continuer sans elle. Quant elle revint, elle était livide.

- C'est Chloé. Elle a été percutée par une voiture. Dans la banlieue de Bangkok...
- Oh merde... s'exclama Benoît. 

Chloé était l'amie la plus proche de sa femme. Elles s'étaient connues au lycée et avaient fait les quatre cent coup ensemble. Même école de commerce, même carrière brillante... A la suite d'un burn-out, Chloé était partie depuis quelques mois en Asie pour « se retrouver ». Elle avait surtout fini par rencontrer le pare choc d'un pick-up local dans la banlieue de Bangkok.

- Ils m'ont dit qu'elle allait s'en sortir. Mais ça va être dur pour elle, pas mal de fractures. Bordel, je peux pas la laisser là bas. Il va falloir ramener toutes ses affaires et gérer toutes les corvées administratifs...
- Mais elle n'a pas une assurance rapatriement ?
- Ça ne remplace pas quelqu'un sur place. Tu t'imagines seul, avec un trauma crânien et les deux jambes en miette ?

Dans la soirée, Antoine entendit ses parents se disputer. Visiblement, sa mère voulait partir pour la Thaïlande au plus vite. Benoît lui demandait de se calmer, et de bien réfléchir. On était le 17 décembre, et Noël approchait à grands pas ; ce n'était pas forcément le bon moment d'aller chercher une apprentie Yogi poly-traumatisée à 6000 km de Paris. « Mais c'est comme ma sœur, tu peux comprendre ?! » avait-il entendu à travers la paroi de sa chambre. Antoine sentait que cette année les fêtes auraient une saveur particulière...

Au final, tout se décida assez vite. Benoît consentit à accepter que sa femme aille au chevet de son amie, mais décida qu'il était hors de question qu'elle y a aille seule. Il serait donc du voyage. Par contre, vu le motif peu festif du voyage et les coûts exorbitants des billets d'avion pris à la dernière minute, Antoine resterait en France. Pas tout seul à Paris, hélas. Sa mère décida que c'était une excellente occasion pour qu'il passe la première semaine des vacances chez sa sœur, qui habitait à Nice et qu'il n'avait pas vu depuis une éternité.

Il faillit plusieurs jours à Antoine pour se résoudre qu'il ne passerait pas Noël à Paris avec ses parents, et ses potes. Il avait tout tenté pour faire changer sa mère d'avis, mais il avait peu à peu compris qu'il n'y avait pas d'alternatives :
- Je suis désolé mon chat. Ça tombe hyper mal. Mais si tu étais à ma place, tu comprendrais. Ce n'est que l'affaire de quelques jours...
- Ça tombe pile sur Noël, quoi...
- Je sais. Mais ta tante est ravie de t'accueillir et de passer les fêtes avec toi. Ça fait tellement longtemps que vous vous êtes pas vus...

Effectivement, Antoine n'avait pas vu la sœur de sa mère depuis une éternité. Les deux femmes étaient un peu comme chien et chat. Béatrice employait souvent le mot « baba-cool » en parlant d'Emilie, et visiblement sa sœur avait déjà prononcé le mot « psychorigide » au téléphone à son sujet. Antoine s'était dit d'ailleurs que ce n'était pas tout à fait faux...

- Elle est sympa, Emilie ? Et ses enfants ? Demanda Antoine, inquiet.
- Mais bien sûr que ta tante est sympa ! Et ses enfants, c'est tes cousins, je te rappelle. Je sais bien qu'on se voit pas très souvent, mais bon... Tu te souviens pas d'Arthur ? Toute la famille était venue à Paris, les jumeaux étaient encore tout petits... Je crois qu'il avait une compétition dans le coin.
- Ha oui, Arthur, il avait quel âge ? Je crois qu'on avait joué à la Play ensemble...

Antoine se rappelait vaguement d'un adolescent athlétique très avenant, mais pas grand-chose de plus. Quant à ses jeunes frères, n'en avait aucun souvenir, à part qu'ils étaient effectivement jumeaux.

- Arthur devait avoir 15 ou 16 ans oui. On était allé ensemble à la tour Eiffel je crois.
Antoine haussa les épaules ; là encore, il n'en avait pas grand souvenir.
- Et elle fait quoi, Émilie, déjà ? S'enquit le jeune garçon.
- Elle est professeur des écoles, en primaire. Son mari Benjamin est dentiste. Ils sont très bien tous les deux, ne t'inquiète pas. Tu passeras de bonnes vacances.
- Noël tout seul dans une ville que je connais pas, avec de la famille que j'ai pas vue depuis 10 ans... C'est pas drôle.

Béatrice passa une main affectueuse dans les cheveux d'Antoine :
- Je sais que c'est pas facile mon chat. Encore une fois, je n'ai vraiment pas le choix. On fêtera ça dès notre retour. Normalement, on ne devrait pas en avoir plus de quatre ou cinq jours. Tu es un grand garçon, n'est-ce pas ?
- Ben justement... articula Antoine, défait.
Sa mère ne répondit pas tout de suite, cherchant ses mots :
- Oui... A ce sujet... J'ai parlé à Émilie de tes soucis nocturnes.

Antoine ne dit rien, et regarda piteusement en direction du sol.
- Écoute, il n'y a pas de problème pour elle. Tu feras comme chez nous. Et de toutes façons, tu as de moins en moins d'accidents. Si ça se trouve, tu n'en auras aucun chez elle !
- Maman, arrête... soupira Antoine. Je fais toujours au lit au moins deux fois par semaine. Je ne vois pas pourquoi ça se passerait différemment là bas...
- Antoine, tu t'écoutes ? répliqua Béatrice d'un ton sec. Tu pars déjà perdant ! Tu te mets déjà en tête que ça puisse mal se passer chez ta tante. Et si c'était juste toi qui te sabotais consciemment ?
- Pfff... Si c'était si simple, tu crois pas que j'aurais arrêté de pisser au lit depuis longtemps ? Je n'ai aucune envie de continuer à tremper mon lit, franchement...

Sa mère articula lentement comme si elle donnait un cours magistral à ses étudiants :
 - OK, alors je voudrais simplement que tu croies fermement qu'il est parfaitement possible que tu n'aies aucun accident chez elle. D'accord chéri ? Et dans le cas contraire, tu feras comme d'habitude, et on en parlera plus. Je te dis qu'elle est au courant, et que cela ne lui pose au-cun pro-blème.
- Mouais, d'accord. De toutes façon, j'ai pas trop le choix, si ?

Sa mère haussa les épaules et tourna des talons. La discussion était close. Antoine irait chez sa tante et ses cousins et gérerait seul ses problèmes de pipi au lit comme il pourrait, il n'y avait pas d'alternative.

Les vacances d'AntoineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant