CHAPITRE 13 : ROSE

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EVA

Paris brille ce soir. Je bois lentement mon café, postée à la fenêtre de mon appartement de fonction. Un bel appartement, où j'aperçois de la fenêtre de la pièce de vie la tour Eiffel. Tour dont j'ai gravi toutes les marches de mes cinq ans, avec deux jolies couettes et un beau béret, le parfait cliché de la petite parisienne. Je souris en me revoyant, avec mes beaux yeux brillants de malice, d'innocence.

Portée par une forme de nostalgie, j'observe les lumières de la ville s'allumer, comme lorsque le soleil à l'aube, et vois les passants s'activer à la vue du soleil qui disparait doucement derrière les nuages.

Cet appartement, je l'occupe lorsque je suis en mission en France, donc assez souvent. Enzo me le paye, et l'aménagement est des plus confortables. J'adore la France de façon générale. Même si l'Italie me manque, j'aime être ici. Sans-doute parce que lorsque je l'ai visité, j'ai été émerveillée par la nourriture, les monuments, la variété des paysages. C'était comme un rêve de petite fille de découvrir Versailles, les robes des princesses, de visiter la maison de Christian Dior. Je rêvais de devenir une styliste, ou bien de devenir l'égérie d'une marque comme Louis Vuitton ou Chanel.

Aujourd'hui, je rêve d'autre chose. Je rêve de bâtir mon empire, devenir la reine. Cet objectif, j'y parviendrais, mais pour cela je dois passer par des fonctions subalternes, pour graver les échelons et me faire une bonne réputation, afin ensuite de fonder ma propre mafia, mon propre réseau. J'ai encore environ dix ans pour y parvenir. Je sais déjà que je vais y arriver. Pour moi, c'est comme une grande partie d'échecs. Je suis la reine, et je sacrifierai tous les pions nécessaires pour abattre le roi.

Mais sur ce plateau

Le roi domine

Alors

Il me faut l'éliminer.

Ses sbires.

Et lui.

♛♛♛

— Oui, maman. Il fait beau en Sicile.

J'entends la voix de ma mère dans l'appareil. Son souffle est calme, j'entends le bruit des klaxons dans l'appareil. Je perçois même le son de son fouet de cuisine conte le saladier métallique. Ce son me rappelle lorsqu'elle fait le pesto pour les pâtes. Rien qu'y penser, ça me donne faim.

— Ton poste te plaît ? Et les clients ?

— Très bien. Ils sont globalement corrects.

— Et donc... Tu reviens quand ? Me demande-t-elle, doucement, avec une pointe d'inquiétude.

— 1 ou 2 mois. Je te tiendrai au courant. Cette opportunité de se faire pas mal d'argent, je ne peux pas la laisser passer, tu comprends.

— Bien sûr. Mais tu sais, ça fait vide sans toi, ma chérie.

— Je reviendrai. Je te le promets maman.

— Très bien. Bonne journée. Appelle moi bientôt, hein.

— Si, mama*.

— Non andare a letto troppo tardi, tesoro, okay* ?

— Si, mama. Baci e arrivederci*.

Je raccroche. Ma gorge est nouée. J'ai l'impression d'étouffer ici. Je me précipite à la fenêtre, l'ouvre en grand et allume une clope. Le tabac me brûle les poumons. Il faut vraiment que j'arrête cette merde. Je repense à l'appel de ma mère, crachant un nuage de fumée par la fenêtre, le dos contre le mur froid de l'immeuble.

Je déteste lui mentir.

Mais je suis obligée.

Obligée de quitter tout pour les protéger.

EVAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant