DEMETRIO
Le jet volait maintenant depuis des heures. La tête appuyée sur la vitre, je songeais aux récents évènements, les paysages défilant par la fenêtre.
Eva s'était enfuie.
Cette phrase ne cessait de se répéter dans ma tête.
A la fois elle me faisait sourire d'amusement, à la fois un goût affreusement amer surgissait dans ma bouche, comme un pincement au cœur qui me frustrait intérieurement.
Parce que je ne la connaissais pas, et qu'elle était partie. Voilà pourquoi cette évasion me titillait l'esprit. Je l'avais kidnappée sur un coup de tête, voulant me venger de l'humiliation qu'elle m'avait fait subir au casino. Parce que...
Jamais une femme ne m'avait défié du regard comme elle l'avait fait.
Jamais une femme ne m'avait parlé ainsi.
Jamais une femme ne m'avait autant humilié de la sorte.
Cette nouveauté était un paradoxe nouveau ; à la fois j'avais plané, comme shooté par sa force et sa froideur, à la fois j'avais été scotché, limite terrifié par cette nouveauté, tous ces sentiments qui m'avaient emporté dans un tumulte orageux.
C'était un plaisir délectable d'assister à sa résistance, de la voir s'époumoner, se tendre face à mes attaques, se glacer quand je parlais de son père. J'étais comme fasciné par la lueur d'espoir qui brûlait dans ses yeux. Je voulais apprendre à la connaître. Cette curiosité malsaine me faisait vriller intérieurement ; c'était comme une énigme que je voulais résoudre, une flamme que je voulais éteindre.
En quelques moments, elle avait su réparer quelques failles dans mes émois. Me faire vriller. M'énerver. Me titiller. Me provoquer. J'étais empoisonné, ravagé, ravivé, réanimé.
Et elle m'avait rappelé
Ma mère
Ses cheveux de jais.
Ses yeux remplis de force.
Son silence rempli de secrets.
Tout comme ma mère, Eva était un amas de contradictions ; elle était chaotique, à la fois agressive et passive, secrète et provocatrice, charmeuse et froide. Comme une gigantesque œuvre d'art, aux multiples aspects, aux nombreuses couleurs, traits et visages.
Et... Je le reconnais, aujourd'hui. Dans cet avion. Même si j'ai abusé du champagne.
Elle me rend fou.
C'est fou, c'est con, c'est affreux, c'est charmant. Tout cela, vous devez le penser. Peut-être pensez-vous que c'est un << coup de foudre >>. Et bien justement non. Je ne l'aime pas, Eva. C'est comme une drogue qui dure quelques instants, mais s'efface au court du temps. C'est temporaire. Et puis, c'est de la haine. Je la hais parce qu'elle me fait ressentir des choses nouvelles, m'aurait dit ce con d'Alessandro. Mais c'est faux. Je la hais parce que...
Parce qu'elle est partie.
Je ferme lentement les yeux, épuisé, légèrement saoul, les paupières lourdes.
Et m'endors avec toujours ce goût dans la bouche. Ce goût amer.
Ce poison.
Mortel.
Qui causera ma perte.
Et la sienne.
♛♛♛

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EVA
RomanceElle se redresse. Dans ces grands draps noirs, amples, qui entourent sensuellement son corps. Mes yeux se plissent. Le soleil est sorti. Comme son briquet. Et j'ai vu, lentement, la flamme dorée, luisante, danser sur le reflet de ses lèvres. Ses gr...