AARON
Le pire. C'était elle.
Elle.
Eva Praticianno. La tueuse de Manhattan. La donna nera en Italie.
Eva.
Mon alliée.
Mon ennemie.
Tout a commencé...
À cause d'elle.
Elle.
♛♛♛
EVA
1 an auparavant
Manhattan. Large étendue de souffrances sur le béton, les pieds qui brûlent sur le bitume, les cigarettes qui s'écrasent mal, les cheveux qui s'emmêlent au vent, les chewing gum collés sur les barres de métro, les bancs qui défoncent les fesses, les clochards qui te harcèlent à chaque coin de rue, les buildings serrés et qui crachent leur argent sur des salariés orgueilleux et au train de vie parfait. C'est Manhattan. Je crois que je n'ai jamais autant détesté être ici.
Les affaires de mon défunt père s'avéraient être sous ma possession après une bataille effrénée contre des grands patrons arrosés d'argent sale. Et je les vois encore, ces pourritures qui sentent l'eau de Cologne, le cigare et la menthe, se pavaner dans leurs salles de réunion, en refusant de parler à une gamine qui insiste pour obtenir un rendez-vous. Après un an de bataille, de travail, j'avais réussi à graver les échelons. À faire ressortir mon nom des autres. À porter cette force, cette puissance dans les yeux.
Ma mère était à Naples. Elle espérait que je règle en deux ans les problèmes de mon père. J'avais réussi à le faire en seulement un an. Je rêvais de repartir, de retourner vers mon foyer, vers ma mère. Et dans ce fauteuil, au sommet de ce bâtiment, voilà que je pleure. Parce que rien ne me fait plaisir maintenant ; je ne veux que rentrer chez moi. Mais, pour une raison que j'ignore, quelque chose me retient ici. Je ne peux refuser mon intuition, cette sensation que je peux grimper encore les marches du succès ici. Il me reste un an.
Je fais tourner mon fauteuil, lorsque la porte s'ouvre. Un jeune homme apparaît soudainement, dans le cadre de la porte. Il doit avoir mon âge à peu près. C'était le fils d'un ancien ami de mon père, je l'avais aperçu lors d'une dernière réunion. Ses cheveux blonds, ses yeux bleus rieurs, me donnaient envie de l'embrasser. D'écraser mes lèvres sur les siennes, de voir ses yeux brillants de joie se plonger dans les miens. J'ai été traversée par une onde de désir brûlante. Mon cœur s'est arraché le temps d'un instant, j'avais terriblement envie de lui. Voilà des années que je n'avais pas vécu cela. La sensation d'être une adolescente en chaleur était affreusement agréable et séduisante. Je l'aurais volontairement pris sur cette table, lui et son sourire parfait, son visage typiquement américain.
J'ai balayé ce sentiment en un instant, avant de prononcer d'une voix chaude :
- Bonjour.
Il m'a sourit de toutes ses dents, et j'avais le sensation, ce petit frisson d'ado devant un homme. Je me sentais vulnérable, j'avais l'impression d'être en << crush >> sur lui. Comme lorsque j'ai vu, au lycée, Preto, mon premier amour, s'approcher de moi, pour la première fois.
- Enchanté. Aaron King.
♛♛♛
Les affaires roulaient. Aaron et moi, pendant un an, avions régné en maîtres sur Manhattan, en dirigeant les grands patrons, la bourse, l'économie, les mafias... Cette plénitude, cette prospérité m'avait rendue heureuse et diaboliquement séduite par les affaires, les arrangements, les soumissions d'hommes. Je crois que ce masque de femme fatale me collait fort à la peau. J'étais insubmersible, intouchable, et Aaron était mon égal. Nous avions sympathisé aussi rapidement que nous nous étions entendus sur des affaires. Son expérience, ses charmes et ses qualités en tant que manipulateur se sont assemblés à mes qualités : nous formions un duo de choc.
Les choses ont changé, brutalement, lorsque j'ai été emportée dans des affaires plus sombres. Parce que lorsqu'on baigne dans la corruption, l'argent et le succès, on finit par s'ennuyer. Plus rien n'est palpitant, les tâches et réunions deviennent cycliques et ennuyeuse. Les jeux de soumission, de pouvoir deviennent répétitifs et la lumière, même sale, perd de son attrait.

VOUS LISEZ
EVA
RomansaElle se redresse. Dans ces grands draps noirs, amples, qui entourent sensuellement son corps. Mes yeux se plissent. Le soleil est sorti. Comme son briquet. Et j'ai vu, lentement, la flamme dorée, luisante, danser sur le reflet de ses lèvres. Ses gr...