CHAPITRE 26 : COSMOS

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Playlist spéciale (chapitre un peu plus long que d'habitude)
Space song, Beach House

How to disappear, Lana Del Rey

The Sound of Silence, Chromatics

Asleep From Day, The Chemical Brothers

EVA

La nuit me berçait. Mes pas sur le goudron glacé. Mes vêtements déchirés. J'étais subjuguée par la douleur du ciel, des étoiles qui fusent, glissent, inondent mes épaules de froid. Je flotte. L'odeur du sang séché se mélange à celle des épines. La forêt est froide, gelée, surplombée par le cosmos obscur, dont les pépites brillantes semblent tendre les bras vers les sommets des arbres.
Je marche en silence, les jambes légères. La sensation de paix après le chaos est une vérité comme tout. Après avoir enduré, on se tourmente, on se perd, et on se retrouve sur le bitume, les pieds en sang et les cheveux dans le vent. C'est une scène de film, qui se tourne devant nous. Je revoie toute ma vie dans l'ombre de la route. Mes débuts, mes échecs. Ce que j'ai vécu récemment. Je suis tombée bien bas, on dirait.

Demetrio m'a abandonné face à mon ancienne condition. Il m'a lâchée dans la fosse au lions, dans son club miteux. Sans une once de pitié. De considération. Je crois, oui, que c'est ça qui me sidère le plus. J'ai joué avec le feu, la mort, et j'ai fini par me noyer dans mes propres contradictions. Lui n'est que la conséquence de mes actes. Mais maintenant. Je suis seule. Il n'est pas là. Je suis pétrifiée à l'idée de crever ici, sur le béton d'une froideur brûlante. Mourir. Ici.
Cela me tenterait finalement.

Peut être que la grande Eva saurait trouver une paix là dedans, hein. Peut être qu'elle serait heureuse de rejoindre les étoiles, avec ses parents, sa meilleure amie. Mais ça, personne n'y croit.

Car au loin, sous l'immensité céleste,

Les flash d'une voiture apparaissent.

Alors Eva sort de sa transe.

Elle regagne son corps.

Et redevient...

Le trou noir du cosmos.

♛♛♛

La voiture s'est approchée, d'abord. Le conducteur. Je ne le connaissais pas. Je ne savais même pas pourquoi sa portière s'est ouverte sur ma route. Mais Eva reste stoïque et le voit s'approcher. Lui.

Grand, d'abord. Bien fait. Les pommettes rougies par le froid, un nuage sort de sa bouche lorsqu'il expire. Souffle goût chewing-gum à la pomme. Ses yeux bleus sont grands, son nez fin, sa mâchoire divine. Des tâches de rousseur sur ses joues, légèrement creusées. Des cheveux bouclés. Typé méditerranéen. Je le déshabille du regard. Il porte une chemise légèrement ajustée au niveau du col, d'un blanc calme, qui met en valeur ses épaules fortes. Son pantalon assez large le flatte, et on devine aisément qu'il est musclé.

À travers ses traits, je vois ceux de Demetrio.

C'est horrible...

Mais il me sourit. Et je vois ses dents blanches, son sourire Colgate et parfait. Je ne sais même pas pourquoi on se regarde. Pourquoi il est là. L'ambiance est lunaire. La pâleur des étoiles s'étend sur ses traits.
Sa voiture est lumineuse. Chaude. Il se dégage de lui une aura aux antipodes de Demetrio. Il est souriant, lumineux, dans la nuit.
J'ai la sensation de le connaître.
Je ne sais pas si vous voyez. Parfois, vous rencontrez des gens, et vous avez l'impression que cette personne a toujours été là.
Je me ressaisis. Évidemment que c'est bizarre de tomber sur cette personne ici. Il doit être minuit et des poussières. Qui pourrait bien rouler dans une belle Ferrari noire, ambrée, et venir à la rencontre d'une femme perdue sur une route de forêt ?

EVAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant