27. ❆ Quand les masques tombent

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⚠ Sujet abordé ne convenant pas à tous ⚠

Pendant ce qui me semble être plusieurs jours, avec Ajax, nous alternons tantôt entre discussion et silence. Je ne sais si c'est par délicatesse, mais il n'aborde à aucun moment le fait que je connaisse notre geôlier. S'il se dit qu'en parler ne serait que plus douloureux, alors je ne peux que le remercier, car en effet, rien qu'y penser dans ma tête me met à fleur de peau, alors en parler... Tous les sujets que nous abordons sont légers. Ils tentent de ramener un peu de légèreté dans notre situation. Toutefois, ce soulagement n'est que de courte durée, car il se fait chasser bien trop rapidement par les plic-ploc des gouttes tombant du plafond. Et bien trop souvent, le froid me rattrape. Je donnerai cher pour avoir ne serait-ce qu'un manteau, mais nos ravisseurs ne l'entendent pas de cette oreille.

Arkady nous fait grâce de sa présence trois fois par jour. Il nous apporte des repas chauds et convenables, et dessert légèrement nos chaînes pour que l'on puisse tenir la fourchette ou cuillère entre nos doigts, et également afin que l'on prenne nos dispositions. En résumé : il y a mieux comme conditions de captivité, mais il y a également largement pire.

Chaque fois qu'il entre dans la pièce, je tente de lui poser des questions : quel jour sommes-nous, combien de temps cela fait-il, quand comptent-ils nous vendre, etc. Et chaque question se solde par une absence de réponse. Il me jette à peine un regard en coin avant de repartir aussi silencieusement qu'un moine.

Jusqu'au jour où, finalement, je parviens à persuader mon esprit qu'au lieu des banalités, il faut que je lui pose les questions d'importance. J'avais décrété ne pas vouloir en connaître les réponses, mais plus les jours passent, moins je peux faire abstraction de toutes ces questions qui continuent sans cesse de virevolter dans ma tête.

— Arkady, l'apostrophé-je quand il franchit le pas de la porte, qu'est-ce qui se passe ?

Bien entendu, en dépit d'un unique coup d'œil qu'il me jette, aucun son ne lui échappe. À ce compte-là, c'est comme si je parlais à un mur. Quoique, même un mur serait plus loquace. Donc je mets en place mon deuxième plan : l'assaillir de questions.

— Tu es de la famille Apraksine ? C'est ça ? Tu es derrière ce coup d'État ? C'est pour ça que tu as quitté ton poste de Garde ?

Pour mon plus grand plaisir, le poisson mord finalement à l'hameçon alors qu'il pose sur la table avec fracas les deux assiettes contenant nos repas.

— Katya, tu ne comprends pas dans quelle situation tu es ?

Ses yeux verts se posent enfin pleinement sur moi. Ils me regardent comme ils ne m'ont pas regardée depuis notre arrivée dans la demeure des Apraksine. Dans cette lueur glauque conférée par les bougies vacillantes, l'ennui provoqué par mes questions se fait connaître au fond de ses pupilles, mais pas seulement. Il y a ce retour d'une petite étincelle à mi-chemin entre de la tristesse et des regrets qu'il me semble avoir remarquée la première fois.

Si je creuse, peut-être retrouverais-je ce Arkady que j'apprécie tant.

— Je crois que les chaînes qui m'entaillent les poignets et les chevilles, et mon absence totale de vêtements me le font savoir, si, ironisé-je.

Je le fixe sans jamais détourner les yeux, et il pose les deux mains à plat sur la table devant lui. Je vois les muscles de ses avant-bras se contracter.

— Alors pourquoi est-ce que tu poses des questions ? soupire-t-il.

— Parce que je veux des réponses, réponds-je de manière factuelle. Toute cette histoire est bizarre, Arkady, ajouté-je. J'essaye de comprendre comment tu as pu te retrouver mêlé à tout ça.

FR | Tomber les Masques | Childe x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant