Je tourne en rond, je suis un peu dépassée. Je viens de recevoir le cahier de doléance de mon peuple et il n’annonce rien de bon. Les villageois se plaignent du Mal qui s'approche des frontières : il prend le dessus. Le Mal est plus fort que le Bien, il a l'avantage.
Hier, il y a eu l’annonce officielle de la mort du roi d’Emalian. Depuis, notre belle herbe verte devient noir et l’obscurité rogne mon territoire. Maintenant, c’est la Reine Elowyn qui régnera. Je la déteste. Nous étions à l’école ensemble, et c’était une vraie peste. Je me souviens qu’elle me parlait comme à ses domestiques, en manque de toute considération. Elle se mouchait dans mes feuilles de cahier ou gribouillait sur mes évaluations. Elle a toujours été exécrable. Je ne la supporte pas. Adolescente, lorsqu’on jouait à “action ou vérité” avec tout le reste de la classe, elle m’humiliait en me disant de marcher à quatre pattes et de tirer la langue comme un chien. Le pire dans tout cela, c’est que j’obéissais. Les autres camarades rigolaient, mais j’ai compris bien plus tard que ce n’était pas parce que j’étais drôle : ils se moquaient. Depuis que j’ai arrêté les cours, que mes professeurs m’ont jugée assez bien formée pour régner prochainement, je la déteste. Je me suis enfin rendue compte du mal qu'elle m'a fait.Elle n'a pas uniquement nuit à ma réputation. Elle a aussi détruit l'enfant que j'étais, à cette époque. J'ai maintenant honte de qui je suis. Les rires moqueurs de mes camarades résonnent encore dans ma tête. J'entends leurs voix, leurs insultes…tout. Ils ont brisé une partie de moi. Je suis construite sur des piliers fragilisés par le harcèlement. Je peux tomber à tout moment.
J’ai mis du temps à me reconstruire une identité, à reprendre confiance en moi et dans les autres. J’ai aussi mis du temps pour devenir crédible auprès des autres camarades qui se moquaient de moi. Enfin…j'ai essayé. Je ne suis pas un montre. Je ne veux pas tuer des gens gens, même s'ils me manquent de respect. J'ai essayé tant bien que mal de leur redonner ma confiance pour qu'en échange, ils me donnent la leur. Ce n'est pas forcément très concluant mais, après tout, tout le monde ne peut pas m'aimer. Ce ne sont que quelques camarades d'école, pas mon peuple entier. Je vis avec, je me suis résignée…Je la déteste. Je la déteste. Je la déteste.
Rien que de la voir, j’ai envie de la frapper de toutes mes forces, de lui faire payer ce qu’elle m’a fait subir. Mais je ne fais rien de tout cela. Non, rien du tout. Je me contiens et je lui prépare une vengeance cruelle. Je ne sais pas encore quand ni comment, mais elle va être burlesque. Oui, je vais la rabaisser au rang de femme du peuple, ou au rang d'animal eprit de la rage, totalement fou et qui doit être tué. Elle se sentira inférieure comme je me suis sentie pendant des années entières. J’essaie de garder le contrôle, de me raisonner. Tout finit par s’arranger, pensai-je pour me calmer. Cependant, je la hais comme je n’ai jamais haïs quelqu’un. Je n’en peux plus. Faire comme si de rien n’était commence à être sérieusement épuisant.
Maintenant, le Mal gagne sur mon territoire…à cause d'elle. Oui, tout se rapporte toujours à Elowyn…parce que c'est toujours de sa faute. Pff…Je me dois de protéger mon peuple, de prendre soin de lui. Je dois me battre pour que leur vie soit sauve. Je suis prête à faire la guerre pour mon peuple. C’est mon rôle. Si je ne le fais pas, qui d’autre le fera ? Personne.
Je m’égare dans mes pensées, j’élabore des plans…puis je me rends compte que je ne suis qu’une princesse et que je n’ai pour l’instant aucun pouvoir.
Je cours jusqu’aux appartements de mes parents, en tenue de nuit et pieds nus parce que j’étais censée dormir. Les pavés froids me gèlent les pieds et refourdissent mon corps dans son entièreté, mais je me sens imbattable. Alors que je suis devant la porte de leurs appartements, je frappe à la porte plusieurs fois, déterminée à leur faire ouvrir la porte malgré l’heure tardive.
Mon père ouvre à peine la porte que je me jette sur lui.Papa ! Il faut à tout prix sauver le royaume du Mal. Fais quelque chose, je t’en supplie !
Il est tard, me gronde sévèrement mon père. Va te coucher, on en parlera demain.
Non, papa, s’il te plaît ! Je t’en supplie !
Mon père me claque la porte au nez.
VOUS LISEZ
Équilibre : La Malédiction de Cupidon
RomanceElowyn, la princesse du Mal devient reine suite à la mort de son père. Son mal-être prend le dessus et l'équilibre entre le Bien et le Mal est brisé. Pour rétablir cet équilibre, Cupidon va tirer une flèche sur la Reine Elowyn et la princesse du Bie...