CHAPITRE 14

17 0 0
                                    

Ce matin, je rejoins Elowyn à la frontière de Bienafaith et Emalian. Nous nous dirigeons à pied vers la fabricante d’armes la plus compétente, qui travaille au service des deux royaumes : Léonie. Dès mon arrivée, j’ai un coup de cœur sur un arc. C’est l’arme que j’utilise le plus pour me défendre mais pour le tournoi, un combat au corps à corps, je pense que cet arc ne me sera pas des plus utiles. Je me dirige donc vers les glaives, des petits couteaux pour les combats très rapprochés. Pendant que je réfléchis à celle dont la lame est la plus tranchante, je vois qu’Elowyn a flashé sur une épée.
Tu l’aimes bien ? je lui demande.
Oui, je la trouve magnifique, murmure-t-elle.
Prends celle-ci, alors ! Si tu as flashé sur celle-ci, c’est que c’est la bonne ! je l’encourage.
Non, répond la Reine du Mal sèchement. La garde est trop lourde et la lame trop fine, elle va se casser après très peu de coups. Je dois en trouver une autre. L’important n’est pas l’esthétique mais c’est la qualité.
Comme tu voudras, je me résigne.
Je voulais l’encourager mais je suis un peu prise de court par son ton sévère.
Je peux ? je demande en désignant l’épée de la tête.
Elowyn recule et me tend l’arme mais, au lieu de la lui prendre les mains, je l’attrape par-dessus ses mains. A son contact, je frissonne. Un courant électrique me traverse : tous mes poils se dressent. Elle ne me fait peut-être pas si peu d’effet que je ne le pensais. Je crois que la Reine du Mal est gênée parce qu’elle tente de relâcher mon emprise sur l’arme pour retirer ma main qui couvre la sienne. Je la sers donc contre la mienne un peu plus fort. Elle relève la tête. Lorsque nos regards se croisent, je me perds dans ses yeux noisettes. J’ai l’impression de voir son feu intérieur à travers des vitres et de sombrer dans les ténèbres de son âme. Je ressens son mal-être et toute sa détresse rien qu’en regardant au fin fond de ses yeux. Je m’inquiète pour elle, je veux l’aider. Plutôt, je dois l’aider.
L’épée est parfaite, je murmure. La lame est très fine mais tellement tranchante qu’il est inutile de frapper fort. Même si elle est difficile à manier, l’habitude viendra avec de l’entrainement.
Je détourne mon regard pour le reporter sur l’arme. Le manche épais est orné de dessins de ronces qui vont jusqu'à la garde et qui entourent un énorme diamant. Cette épée est absolument magnifique. Je trouve aussi qu’elle représente très bien Elowyn. Les ronces piquent autant que ses mots afin de protéger le diamant, son cœur, fragile mais magnifique.
Une gêne s’installe entre nous deux, je vois bien qu’elle est mal à l'aise à la suite de notre contact. Pour détourner son attention, je lui montre les différents glaives que j’ai repérés. Nous choisissons les meilleurs ensemble : un à mettre dans une de mes bottes, les autres à la ceinture.  Il est maintenant temps de choisir nos armures. Je la laisse choisir en première. De façon totalement innée, elle se dirige vers l’armure que je suppose être la plus solide. Elle est tout de métal, ce qui va certainement l’empêcher de bouger correctement, mais elle pare tous les coups de façon assurée. Elowyn prend l’initiative d’essayer le vêtement. Pour cela, Léonie lui propose de l’aide. Après quelques hésitations, la Reine d’Emalian finit par accepter. Lorsque la fabricante s’avance pour aider cette dernière, je la devance et je rentre dans la petite pièce. Elowyn, trop occupée à enfiler son armure, ne réalise pas tout de suite que c’est moi qui suis avec elle. Elle me tourne la dos et se déshabille puis enfile le bas en cotte de mailles, qui lui fait une taille fine. J’imagine à peine le poids de l’armure tant elle doit être lourde. Elle défait ensuite son haut afin que quelqu’un l’aide à le mettre. Lorsque mon “amie” s’aperçoit que c’est moi et non Léonie qui va l’aider, elle fait des yeux ronds. Elle est seins nus, se battant pour enfiler le haut tout de métal. Par réflexe, Elowyn tente de cacher sa forte poitrine à l’aide de ses bras fins, qui ne la cachent…pas assez…voire pas du tout. Je suis gênée moi aussi face à son embarras. Je regrette un petit peu ma décision. J’ai peut-être brusqué les choses…je suis allée trop vite. J’ai décidé d’aller dans son sens, de me prendre à son jeu. Je sais que je ne tomberai pas amoureuse d’elle mais c’est amusant d’essayer, bien que certains moments soient intimidants.
Tu peux m’aider ? chuchote-t-elle en me faisant face.
Elle laisse tomber ses bras le long de son corps, ce qui laisse sa poitrine à découvert. Je ne peux pas m’empêcher de la regarder, pendant une fraction de secondes. Elle est vraiment belle…enfin…elle, pas sa poitrine. Peut-être que la Malédiction n’est pas si horrible que cela. En remarquant mon discours interne, je me mets à douter de tout. Et si je tombais vraiment amoureuse d’elle, d’une fille ?Je n’ai jamais été amoureuse. Comment fait-on, pour embrasser quelqu’un ? Je n’en ai strictement aucune idée. Le plus difficile dans tout ce charabia, c'est qu'elle ne connaît pas mon secret. C’est très cliché de m’exprimer ainsi mais c’est vrai. Elle ne sait pas ce que je cache à tout le monde depuis toujours. Je ne sais pas comment elle va réagir lorsqu’elle l’apprendra. Après tout, ça va peut-être calmer le jeu entre nous. Je vois bien que cette malédiction est un défi pour elle, mais je ne suis pas un jeu. Je suis humaine. Je veux la prendre à son propre piège. C’est peut-être le bon moment. Ou pas. Je ne sais pas. Je suis perdue mais je veux essayer, bien que je risque ma réputation.
Je l’aide à mettre correctement le haut de son armure. Mes doigts frôlent sa peau, ce qui pourrait donner l’impression d’une caresse. Je la sens frémir à mon contact. Elowyn se retourne et me fixe puis…je tousse. Ma respiration se coupe puis reprend avant de se recouper, pendant de longues minutes je m'éloigne d’elle pour la protéger de mes postillons dégoûtants et je me plie en deux de douleur. C’est comme si je me noyais alors que je ne suis pas dans l’eau. alors c’est comme ça, mourir étouffé ? Ma toux se calme et Elowyn me laisse reprendre  ma respiration.
Maintenant, c’est mon tour. C’est le moment. C’est la révélation…à mes risques et périls. En voulant la troubler, je marche sur un terrain glissant.

Équilibre : La Malédiction de Cupidon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant