CHAPITRE 34 : Helena

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Elowyn fuit, encore une fois. Quand arrêtera-t-elle de se voiler la face ? Je ne dis pas cela méchamment, c'est juste que ce qui est fait est fait. Pourquoi avoir honte ? La honte ne changera pas le cours des choses.
          Je fais comme elle et la suit en courant. Elle va dans le labyrinthe du jardin. Je la perds de vue. Je m'arrête, à l'écoute du moindre bruit. Je n'entends rien à part les cigales chanter. Je n'ai pas envie de courir après elle, que ce soit au sens propre ou au sens figuré. Elle veut partir, encore une fois ? Soit.
          Connaissant le labyrinthe par cœur, je fais demi-tour et je trouve aisément la sortie. Je rejoins les invités et me remets à danser, comme si rien de tout cela n'était arrivé. Pourtant, je ne suis plus pareille. Parce qu'il me manque quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Elowyn.
      Je m'agace moi-même à toujours penser à elle. Ne peut-elle pas sortir de ma tête seulement quelques instant ? Pourquoi est-elle si présente ? Bon d'accord, c'est facile : parce que je l'aime. Mais alors, pourquoi l'aime-je ?
      La soirée bat à son plein vers minuit. Tous les invités dansent donc toutes les chaises sont vides. Je suis ravie de cette ambiance festive et légère. J'oublie tout : mes craintes, mes soucis, tout. Sauf Elowyn. Je sais que je suis en boucle mais c'est vrai. J'aimerais partager cet instant de bonheur avec elle. J'aimerais lui montrer qu'il est possible d'être heureuse, que, même si certains jours ne sont pas faciles, il y en a d'autres qui me sont.
        La fête se termine à l'aube et je suis épuisée. La première chose que je fais en entrant dans ma chambre, c'est de retirer mes talons. Mes pieds fourmillent et me font mal. Après avoir dansé toute la soirée avec diverses partenaires, je me sens coupable. Ces fameux partenaires ne sont rien de plus que des nobles qui m'invitent courtoisement, dans le sens où il n'y a rien d'ambiguë (du moins, j'espère), mais j'ai l'impression d'avoir trahi Elowyn. Je ne voulais pas danser avec tous cas hommes, mais avec elle.
    J'étais si heureuse de la voir à mon couronnement ! Mais….encore une fois…elle est partie en courant. C'est peut-être ce qui fait d'elle mon amante et non ma femme, car entre nous, il y a toujours cette flamme que la fuite alimente.
        Je ne sais plus comment agir face à elle. Je crois qu'elle est elle-même désœuvrée. Oui, elle est impuissante face à son propre mal-être, face à ses émotions, face à elle-même.

         Je me réveille lorsque Helios frappe à ma porte.  Je jette ma couette sur mon corps. Elle me couvre du cou aux pieds. Ainsi, je suis plus ou moins présentable. Je crie "Entrez !" en grognant puis la porte s'ouvre.
Votre déjeuner est servi, ma Reine.
           J'ai un petit sursaut quand j'entends ce titre auquel je ne suis pas encore habituée.
Merci, répondis-je quelques secondes plus tard.
           Le garde a moitié domestique aussi referma la porte. Je prends le plateau et me dépose sur mon lit. Je suis en sous-vêtements mais peu importe. Après tout, je suis seule ! Je peux bien me mettre à mon aise ! Je mange donc avec les mains, sur mon lit et en tailleur. Bref, rien de très gracieux pour une nouvelle reine…
              Je prépare mentalement mon programme de la journée qui se résume à une seule et unique chose : voir Elowyn. Je crois qu'elle a besoin d'être rassurée alors je vais tout faire pour qu'elle n'ait plus honte.
           Je me douche puis je me prépare en vitesse. Je ne prends pas la peine d'attendre que les domestiques arrivent, je file directement. J'ouvre la porte par moi-même, qui percute malencontreusement Helios. Oups ! Et je ne prends pas non plus la peine de m'excuser.
           J'enjambe ma monture et je pars au galop. Je donne des coups de talons de plus en plus fort pour arriver au plus vite au château d'Emalian. Le chemin, pourtant pas si long, me paraît durer une éternité. Je délègue l'animal au palefrenier et je pars en courant vers la tour d'Elowyn. Je gravis les marchés deux à dos. Chaque seconde est précieuse. Je veux la voir. J'ai besoin de la voir. Je veux être rassurée…
           Devant sa chambre, je demande au garde et au valet de ne pas m'annoncer. Je frappe moi-même à la porte, sans prendre la peine d'attendre une réponse. Je débarque dans ma pièce.
            Elowyn dort sur son lit. Je suis d'abord déboussolée, ne sachant pas quoi faire puisque je ne veux pas la réveiller. Pour prendre le temps de réfléchir, je m'assois sur le siège de sa coiffeuse. Je la regarde dormir paisiblement et je me rends compte à quel point je l'aime. Ces derniers jours m'ont permis de me rendre compte à quel point elle est importante pour moi. Je veux passer ma vie à ses côtés. Cependant…notre relation est fragile…je ne sais pas si elle va durer longtemps… Je ne sais pas si nos deux mal-êtres vont cohabiter aussi longtemps. Elle est mal, je suis mal alors nous sommes mal. Dans quelle mesure est-ce sain ? N'allons nous pas nous tirer vers le bas ? Va-t-elle se rendre compte que moi aussi, je vais mal ? Et quand Elowyn en aura conscience, comment réagira-t-elle ? Trop de questions me trottent dans la tête.
           Je ravale les larmes qui me sont montées aux yeux. Je me dis que j'aurais bien envie d'un câlin, là tout de suite. Je me lève sans faire de bruit et je me dirige vers le lit. Je m'allonge à côté de ma Reine, la reine de mon cœur. Je suis derrière elle, allongée moi aussi sur le flanc, et je l'enlace de mes bras. Le rythme de sa respiration change, je sais que je l'ai réveillée. Pourtant, elle ne bouge pas. Elle reste ainsi, enlacée par mes bras.
          Je veux profiter de cet instant à la fois simple et magique au maximum. J'essaie de mémoriser chaque détail afin de ne jamais oublier ce moment.
          Elowyn renifle. Je lève ma tête et me penche vers elle afin de savoir ce qu'il se passe. Des larmes dévalent ses joues. Je suis prise de court et la première réaction qui me vient est de déposer un baiser sur sa joue. J'essuie son chagrin du revers de la main et je me serre un peu plus fort dans mes bras.

Équilibre : La Malédiction de Cupidon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant