Équilibre : La Malédiction de Cupidon

CHAPITRE 21 : Elowyn

Je me réveille seule. Je suis un peu déçue de ne pas trouver Helena à mon chevet mais je ne peux pas lui reprocher : elle a d'autres chats à fouetter. Je me relève sur les coudes et ma tête me tourne déjà. J'ai l'impression d'avoir une barre dans le crâne. C'est la même sensation que j'avais avec la ceinture au tour du cou. Tous les derniers événements défilent dans ma tête. Je sais parfaitement ce qu'il s'est passé, je me souviens de tout. Je suis à l'origine de mes actes. Pourtant, je suis perturbée. Je me sens mal. Je me suis créé un traumatisme moi-même… Il ne manquait plus que cela. Je me rallonge complètement dans mon lit et je tente de me rendormir. Lorsque je ferme les yeux, la sensation de tout à l'heure revient. Je gémis de douleur. C'est à ce moment-là que je sens une main se poser sur mon crâne. Je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux, je sais qui c'est : Helena. Sa main froide soulage ma tête endolorie, bien que ce soit plus psychologique que physique.

- Tout va bien ? chuchote-t-elle alors que nous sommes que toutes les deux.

      Je secoue la tête affirmativement pour la rassurer, mais je ne me sens pas bien du tout. Je me sens même très mal. On m'a empêché d'accomplir ce que je désirais le plus au monde. Je suis prête à tout pour arriver à mes fins.
      Je crois que Helena a un sixième sens parce qu'elle dit ensuite :
Reste avec moi. Ne le quitte pas, s'il te plaît. Ne me laisse pas seule.
      Puis là, c'est la grande déclaration d'amour. J'ouvre les yeux et je la vois déplier un papier de sa poche. Elle est toujours dans sa nouvelle armure, qu'elle n'a pas défaite depuis le tournoi puisqu'elle est restée à mon chevet.

- Nous nous sentons tous les deux mal
Mais nous sépare un silence monumental
Nous nous aimons, c'est désormais le principal
Mais nous cachons cette douleur fondamentale

Je suis prête à tout pour t'aider
Je donnerai tous mes moyens pour ta santé
Pour rien au monde, je veux te voir t'envoler.
S'il te plaît, je t'en supplie, reste à mes côtés.

Je suis amoureuse de toi
À mes yeux, ce qu’il y a de plus beau, c’est toi
Mon coeur est à toi alors ne fais pas ce choix
S'il te plaît, je t'en supplie, reste auprès de moi

Ces pensées sont tes ennemis
Je ferai tout pour toi, te voir épanouie.
Sache que mon amour pour toi n'a pas de prix
S'il te plaît, je t'en supplie, reste dans ma vie.

Ne va pas jusqu'à cet extrême
Je sais bien que ce poème n'est pas une gemme
Mais sans toi sur Terre, mon monde sera blème
S'il te plaît, je t'en supplie, reste car JE T'AIME

       Je reste sans voix. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle écrive un poème à mon sujet.

- J'ai besoin que tu me parles, murmure-t-elle. Parle-moi… je serai toujours là pour toi, dans les meilleurs moments comme dans les pires. Il faut communiquer si tu veux que notre relation fonctionne.

- Je suis désolée, pleure-je. Je suis tellement désolée…mais c'est plus fort que moi. C'est une obsession. Je pense constamment à la mort. C'est mon amie. Elle me tient compagnie dans les moments où je me sens seule. C'est mon échappatoire, c'est ma solution. Elle comble le manque qu'il y a en moi.

- Le manque de quoi ? répond Helena, perplexe.

-Le manque de vivacité dans ma vie. Rien ne va, tout est sombre. Je me perds dans les tunnels de mon âme puis…il y a ma Mort, ma lumière. Celle qui m'offre une porte de sortie à tout ce mal-être.

      Helena me fixe mais ne dit rien. Je vois bien qu'elle réfléchit pour essayer de comprendre mais je vous aussi qu'elle n'y parvient pas. Parfois, le temps que la personne n'a pas vécu la chose, elle ne peut pas s'en rendre compte.

        Je silence plane entre nous. C'est un calme apaisant, réconfortant. Grâce à sa présence, j'oublie que je veux mourir. Les moments avec elle sont les seuls moments où je me sens vivante.
Tu te sens mal ? demande-je enfin.
Oui…j’ai peur pour toi. Je veux t’aider mais je suis si impuissante face à ton mal-être… Je ne sais pas quoi faire pour que tu ailles mieux. A vrai dire, c’est peut-être impossible.

- Je suis le Mal, Helena, et ce n’est pas pour rien. Toutes ces ténèbres en moi ne vont jamais me quitter.

- Tu n’en sais rien.

- Toi non plus, répondis-je. Ce n’est pas pour rien que je suis une fille du Mal. Ma mère l’était, ma grand-mère l’était, mon arrière-grand-mère l’était… Nous sommes le Mal en personne. Cette noirceur se transmet de mère en fille et nous n’y pouvons rien.

- Ne sois pas si pessimiste, râle Helena pour combler le silence qui s’est installé entre nous. Je suis sûre que tout va s’arranger.

- Qu’est-ce qu’il y a à arranger ? C’est comme ça, un point c’est tout ! Je ne vais pas changer pour toi !

- Ce n’est pas ce que je te demande, dit-elle. C’est un conseil pour que tu ailles mieux.

- Et si je n'avais pas envie d’aller mieux ? Et si ce Mal me réconforte, me fait du bien. Et si je ne veux pas changer ? Que vas-tu faire ? Tu vas me quitter ?

Helena ne dit rien mais je vois que ses yeux ruissellent de larmes qu’elle retient. Je me ravise.

- Désolée, je lâche sincèrement. Je me sens mal, alors j’en veux à la terre entière. J’essaie de prendre sur moi mais c’est difficile. C’est comme si l’eau débordait du fleuve, passait au-dessus des barrages. C’est un moment de trop. C’est un moment incontrôlable. C’est un moment où je ne suis plus moi-même.
Ce n’est rien, répond-elle en séchant ses larmes du revers de la main.

Comment notre relation pourra-t-elle fonctionner si je ne maîtrise même pas mon corps et mes paroles ? Je le sais d’avance : notre couple sera une aventure tumultueuse…sauf que…je suis amoureuse d’elle, alors je veux le tenter, je ne perds pas espoir. J’ai envie de croire que notre amour sera plus fort que mes ténèbres. J’ai envie de croire qu’elle va m’aider à être une meilleure personne. j’ai envie de croire que je vais changer, grâce à elle. J’ai conscience d’attendre trop de sa part mais je n’arrive pas à m’empêcher d’y penser. Elle peut peut-être changer ma vie ! Non, je le sais déjà : elle va changer ma vie. J’espère changer la sienne aussi…du bon côté.

Je n’ai pas le temps de pousser ma réflexion plus loin parce que Helena me vole un baiser. Je tends la main pour attraper sa tête par le menton et la faire avancer. Mes lèvres sont à quelques centimètres des siennes. Je sens son souffle chaud sur mon nez, qui descend jusque sur ma bouche. J’ai envie de la goûter, de me mêler à elle, de ne faire qu’une. Je l’embrasse doucement. Nos lèvres s'entrouvrent pour attraper celles de l’autre. Je pousse légèrement ses dents avec ma langue pour lui faire comprendre que je veux m’imprégner entièrement de sa bouche. Ma langue y pénètre et s’enroule à la sienne. Ma main, que j’avais posée derrière sa tête, se resserre sur ses cheveux. Une vague de désir se répand en moi. J’ouvre parfois les yeux pour la regarder m’embrasser. Ils sont fermés mais je vois bien qu’elle est sereine. J’attrape le bas de son armure pour faire remonter le métal et le cuir. Helena tend ses bras vers le haut pour m’aider à la défaire puis elle revient vers moi pour continuer notre baiser. Elle retire mon haut à son tour. Je sens mon coeur battre plus fort. Ma respiration est saccadée, je m’essouffle mais je ne m’arrête pas. Le temps s’est arrêté. Il n’y a plus qu’elle est moi. Rien d’autre ne compte. Elle me retire mon soutien-gorge et je me retrouve seins nus. C’est la partie qui me complexe le plus, alors je mets d’abord un bras sur mes mamelons pour les cacher. Puis…j’arrête. Elle a le droit de me voir en mon entièreté. Mon corps est à elle. Désormais, Helena fait ce qu’elle veut de moi.