CHAPITRE 10

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Je sors de mon second bain de la journée. Bien évidemment, je ne vais pas aller me coucher sale. J’enjambe le rebord de la baignoire de mes pieds détrempés, la serviette enroulée autour de mon buste. Mon pied mouillé goutte et me fait glisser sur le sol de marbre : un petit cri m’échappe. Helios se retourne, surpris de cet appel à l’aide. La serviette qui était autour de moi s’est dénouée et s’étale sur le sol. Le garde se dirige vers moi et me relève, jusqu’à ce qu’il se rende compte que je suis nue. Je perçois sa gêne donc je croise les jambes le plus possible et je cache ma poitrine à l’aide de mes bras. Je suis extrêmement gênée. Si la rumeur se répand qu'un garde m'a vue nue, ma réputation va prendre un mauvais sens. De plus, aucune personne autre que ma mère ou ses bonnes ne m'a vu dévêtue. Peut-être que je peux être considérer comme non-vierge ? Oh mon Dieu ! Mes parents me tueraient ! Ce moment est très malaisant. Je prie intérieurement pour qu’il ne dise rien mais cela ne fonctionne pas, puisqu’il murmure :
Vous êtes magnifique, Helena.
C’est de pire en pire. Le rouge me monte au joue, je dois ressembler à une tomate. Je ne bouge pas, pétrifiée de ce qu'il pourrait m'arriver. L’elfe s’approche à quelques centimètres de moi, ce qui me permet de sentir son souffle contre ma peau. A ce contact, je frémis. Je lève la tête pour croiser son regard et j’y perçois une flamme de désir. Mon rythme cardiaque s’accélère. Je ne sais pas si je dois l’embrasser, reculer de quelques pas et mettre fin à ce moment…je ne sais pas. Je n'ai pas envie de me lancer dans une relation sérieuse, je ne suis pas prête. Par contre, je ne suis pas contre un petit peu de réconfort. Que choisir ? Est-ce raisonnable et acceptable pour une princesse ? Après tout, ça n'est qu'un détail. Le problème, c'est qui je suis. Le problème, c'est le corps dans lequel je vis. Il a vu mon sexe masculin. Mon secret est levé au grand jour. Je risque de me faire exécuter si le peuple l'apprend. Je panique.
Alors que je suis en plein questionnement, Helios dépose ses lèvres contre les miennes. Nos bouches sont collées, nos langues entremêlées, nos yeux écarquillés avec un léger sourire affiché. En l’embrassant, j’ai l’impression qu’il peut tout lire en moi, sans un mot. Le temps s’arrête. Je savoure ce que je n'avais jamais eu. J'essaie de m'imprégner de ce moment et de marquer ces sensations dans ma mémoire, comme si c'était la dernière fois que j'embrassais quelqu'un. Je ne m'en suis pas rendue compte que tout de suite, mais il a passé sa main derrière ma tête et il m'agrippe les cheveux au rythme de ses baisers, que j'interprète comme un signal de plaisir. Je ressens un élan de désir. Je colle mon corps contre le sien donc je peux sentir la chaleur de nos corps enflammés. Mon bassin est contre le sien et je sens son sexe contre le mien. Je commence à éprouver un réel désir, je commence à bander. J'essaie de le séparer de lui mais il s'agrippe à moi. Mon sexe dur est contre le sien mais son jean nous empêche d'aller plus loin.
Un bruit survient dans le couloir, ce qui me permet de voir que la porte est restée entrouverte. La panique me submerge d'autant plus. Je me défais de l’emprise du bel elfe à contre-coeur et je fonce dans le couloir. J’aperçois Elowyn sans plus attendre, la Reine d’Emalian, hors d’elle. Des larmes fugueuses roulent sur ses joues. Je me sens prise d’une grande culpabilité. Je ne sais pas comment réagir, tout est de ma faute. Je ma serviette, que j'ai enroulée autour de moi, ne sert plus à rien. Je sais qu'elle nous a vu. J'ai embrassé un homme jusque-là inconnu, d’un rang inférieur alors qu’Elowyn fait de son mieux pour sauver son peuple en appliquant la malédiction de Cupidon. D'un sens, je la comprends parce que c'est la facilité. D'un autre, je me dis qu'elle doit être plutôt d'accord parce qu'elle ne perd pas de temps.
Des gardes arrivent en courant derrière elle et nous encerclent. Leurs épées sont tirés : ils sont prêts à attaquer Elowyn si nécessaire.
C'est bon, elle est avec moi, dis-je. Reprenez vos services.
Helios sort la tête de l’encadrement de la porte et devient tout rouge. Nous avons été vus. La rumeur (qui n’est pas une simple rumeur) pourrait se répandre, à travers lui, à travers eux ou à travers elle.
Elowyn s’appuie contre le mur du couloir et se laisse glisser jusqu’au sol. Ces larmes coulent à flot et elle éclate en sanglots. Elle qui a cru que sauver son peuple serait si simple ! Tout redescend si violemment !
Je suis désolée, je murmure.
Elle ne me répond pas et continue de verser ses larmes. Je pose ma main sur son genou pour la rassurer. A mon contact, elle relève la tête et me toise d’un regard noir. Je défais aussitôt ma main. C’est bon, j’ai compris le message.
Helios est sorti de la chambre et nous observe. Non mais oh ! Ce n’est pas une pièce de théâtre ! J’ai honte. J'ai honte de moi, j'ai honte de mes actes… Je n’ai pas d’honneur. C’est un cauchemar. Je suis hypocrite parce que j’accepte ses rendez-vous, sachant très bien où elle veut en venir et moi, j’embrasse un autre. Je suis à vomir. J'en oublie que c'est pour le bien de son peuple et du mien. Je crois que je suis dans le déni, je ne veux pas y croire.
Je croyais que tu aurais essayé d'accomplir cette malédiction, chuchote Elowyn.
      Je reste bouche bée. Je n'aurai pas pensé que je soit pas sur la même longueur d'onde à ce point-là. Je ne sais pas trop où j'en suis, moi.
Excuse-moi…je suis un peu perdue dans ma vie en ce moment. Je sais très bien où tu veux aller mais je n'ai pas envie. Non. Je n'ai pas envie de tomber amoureuse de toi ou de qui que ce soit d'autre. Je ne peux pas dire que tu me déplais non plus, mais tu ne me plais pas non plus. Et puis… J'aime les hommes, je crois. Je suis hétérosexuelle. Cette malédiction nous tombe sur la tête violemment. Je ne peux pas non plus aller à contre-sens du Livre d'Obligations.mais l'essentiel, c'est que tu reviennes ça : je ne suis pas prête à commencer quoi que ce soit, pour être claire et honnête. Je ne veux pas de relation pour le moment.
Pfff… t'étais bien prête à en avoir une avec ton gars.
Il s'appelle Helios.
Peu importe.
Et ça ne te regarde pas.
      Repenser à cette scène me fait monter le rouge au joues, mais je brûle à nouveau d'excitation. C'était vraiment chaud (au sens propre et figuré). Néanmoins, la remarque de la Reine d'Emalian ne peut que le remettre en cause. N'ai-je pas fait une erreur en embrassant cet homme ?
Ça me regarde un minimum, renchérit la Reine du Mal. Si nous ne tombons pas amoureuses l'une de l'autre, nos peuples mourront, que ce soit le tien ou le mien. Je ne tiens pas particulièrement à cette relation, mais il le faut.
Il nous reste un délai, je rechigne. Patience. Ou pas.
Tu sais très bien que nous n'avons plus beaucoup de temps. Je vais tout détruire. Tu fais ce que tu veux de cette information, c'est à tes risques et périls. Je ne contrôle pas mon mal-être, alors je te conseille d'agir vite.
Je ne choisis pas la vitesse à laquelle je peux tomber amoureuse d'une fille qui a pourri mon enfance et me pourri encore la vie ! m'exclame-je.
      Mes mots sont plus tranchants que je ne le pensais. Je m'excuse à nouveau auprès d'elle.
Il est tard, tu devrais rentrer chez toi, je lâche.
      Elowyn se lève et part à grande enjambées. Elle ne se retourne pas et ne lâche aucun regard. Elle disparaît.

Équilibre : La Malédiction de Cupidon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant