CHAPITRE 7 LA GRANDE AURORE

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Plus nous montions vers le site sacré, plus le temps devenait maussade. La douleur que j'éprouvais à cause des chaussures de randonnée neuves que j'avais eu la maladresse d'acheter sans les porter avant notre expédition me faisaient si mal que très vite je ne pus plus profiter de ce magnifique environnement. Je finis par m'arrêter au pied d'un rocher et je n'avais plus qu'une envie, marcher pieds nus jusqu'à notre destination. Et cette humidité ambiante qui s'infiltrait par tous les pores de ma peau n'arrangeait rien. J'étais frigorifiée.

Je comprenais mieux à présent les inquiétudes de Silly quant aux difficultés de la randonnée et je m'en voulais de ne pas avoir pris au sérieux les recommandations de Dean. Celui-ci s'avérait finalement un coéquipier charmant et il répondait à toutes mes questions avec une infinie gentillesse. Même si je ne comprenais pas bien ce revirement à mon encontre, j'en étais ravie. Je souhaitais lui plaire. Je souffrais d'être souvent rejetée mais je m'en accommodais en étant professionnelle, froide et distante. Avec Dean, je devais bien avouer que c'était différent. J'appréciais ce calme en lui qui m'apaisait, et j'aimais sa présence qui me faisait me sentir moins seule.

Il me fit part de son inquiétude quant à l'orage qui avançait bien plus rapidement que les estimations météorologiques ne l'avait laissé entendre et qui surtout se dirigeait droit sur nous. Un orage ? Je sentis une boule d'angoisse monter et je fus prise d'un tremblement que je connaissais bien. La peur. J'avais peur de l'orage depuis que... J'essuyais mon visage, chassant l'événement que j'avais vécu et qui avait bien failli me tuer. Je pris une goulée d'air, profitant que Dean me tournait le dos et me repris avant qu'il ne se retourne et afin qu'il ne remarque pas mon sentiment de panique. J'allais le faire fuir à coup sûr avec mes états de malade mentale. Je repris contenance, et courageusement relaçais mes chaussures sans les avoir enlever. Je ne pus m'empêcher de grimacer mais il ne fit aucun commentaire. J'attendais une moquerie mais il n'en fit rien. Je le remerciais silencieusement.

Il prit la décision de nous faire emprunter un raccourci et je le suivis, confiante. Même s'il m'avait averti que la difficulté allait encore augmenter d'un cran, son ton tranquille me rassura. Il avançait devant moi et bien vite je le perdis de vue. L'ascension me semblait vertigineuse, et je commençais à paniquer quand il m'interpella afin que je lui attrape le bras. Sans réfléchir je tendis ma main du plus loin que mon corps pouvait se le permettre. Je n'avais jamais été sportive et soudain je le regrettais. Je m'aidais de mon pied afin de me hisser mais mon genou rencontra une pointe qui arracha le tissu de mon pantalon. Je ne pus réprimer un hurlement de douleur. Levant les yeux, j'aperçus le ciel noir. Je frissonnais et me concentrais afin de ne pas paniquer. Pourvu que l'orage passe plus loin. Rien que le bruit du tonnerre suffirait à me faire hurler et je n'avais vraiment pas envie de passer pour une fille de la ville qui s'effrayait d'un rien dès qu'elle se retrouvait dans un environnement naturel. Sa main frôla ma main puis attrapa mon poignet et il me tira si violemment que je ne sentis pas décoller. Mon corps fut emporté et je n'eus plus aucune conscience de ce qui se passait. Je ne sentis que mon front qui heurtait sa poitrine et tout mon corps s'affaler sur lui.

Je mis du temps à reprendre mes esprits. J'essayais de me concentrer mais je me sentais sonnée. J'eus la même sensation que l'un de ses médicaments très puissants que j'avais pris quelques temps plus tôt et qui me donnait le vertige et me rendait saoule. J'entrais dans une cascade de sensations que je ne pouvais pas identifier clairement tant elles étaient nombreuses et paradoxales : peur, joie, tristesse, amour. J'étais perdue dans le temps et dans l'espace, incapable de savoir où j'étais et ce que je faisais. Dean me souleva légèrement au-dessus de lui et je pus mieux respirer. Sa chaleur était impressionnante. Je n'avais plus envie de quitter ce foyer irradiant d'un feu qui comblait d'une douceur infinie ma propre peau glacée. J'avais juste envie de me serrer tout contre lui et de ne plus le quitter.

Puis, peu à peu je pris conscience que j'étais sur lui et j'eus honte. Je reculais instinctivement. Je n'étais pas habituée à un contact physique et à une telle attirance. Son regard entra en contact avec le mien et je lus en lui combien il ressentait la même chose. Il cherchait quelque chose en moi et je fus décontenancée. Son intrusion dans ma bulle et dans mon regard m'effraya. Je reculais vivement et me fermais. Pourquoi cette attirance soudaine ? Il voulut aussitôt se rapprocher de moi et me prendre dans ses bras, mais là encore mon corps s'y refusait. Je n'étais pas prête à me laisser ainsi approcher. Il me parlait mais je n'entendais que sa voix, je ne comprenais pas les mots, étant tout à ma concentration physique afin de m'en écarter. J'entendis soudain qu'il disait qu'il m'avait assimilé. Ce mot que j'avais entendu durant ces trois derniers jours dans la bouche de Silly me révulsa. Il parlait d'une chose qui n'existait pas et qui était impossible. Il parlait d'une croyance ancestrale qui n'était pas de l'ordre des faits scientifiques. C'était ridicule !

Le tonnerre et la pluie eurent raison de mes derniers retranchements. Je voulais fuir à tout prix ce site sacré, uniquement connu que de la tribu, et qu'il m'avait exceptionnellement été autorisé de parcourir.

Dean proposa de m'emporter à cheval sur son dos. Il semblait être sûr d'être capable de me porter et de redescendre ainsi. Cela me parut incroyable mais mon désir de fuite devint plus fort que tout. Le bruit du tonnerre m'était insupportable. Je fus emportée comme un sac à dos, et ma respiration en fut coupée. Une telle force et une telle capacité à ne pas ressentir la fatigue, à ne pas tomber malgré la rapidité de la course ne m'apparurent plus comme extraordinaire tant que cela pouvait me permettre de quitter l'endroit et l'orage. Malgré la pluie qui s'abattait sur nous avec de plus en plus de vigueur, la course de Dean n'en fut absolument pas perturbée. Bien au contraire, comme s'il ressentait ma peur panique, il accélérait. Soudain j'eus la sensation de me vider de mon énergie. Je donnais quelque chose en moi à mon partenaire que je n'avais jamais ressenti avant. Nos deux corps se connectaient, l'un offrant à l'autre une puissante onde.

Bientôt je n'eus plus conscience de rien et je m'enfonçais inexorablement dans les ténèbres.

La Loi De La Louve Tome 1 La Grande AuroreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant