CHAPITRE 6 LE LOUP NOIR

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          Le Samedi arriva... Enfin ! Entre excitation de la retrouver et inquiétude de la journée qui s'annonçait, je pris le chemin sous les arbres qui menait dorénavant chez Eve. Ces trois jours avaient été trois jours de questionnement, entre envie et refus d'y aller. Je décidais de lâcher prise et de laisser faire les choses, comme me l'avait conseillé Teri. J'avais promis de l'appeler le soir même afin de débriefer. Nous étions devenus des lycéennes assumées !

           Devant la porte de la cuisine, à l'arrière du jardin, comme me l'avait conseillé Millie, je frappais et j'attendis qu'elle m'ouvre. Mais personne ne vint. Avait-elle oublié ? J'entendis le son du piano. Elle était donc là. C'était ouvert, je finis par entrer dans la cuisine. Il y avait une vieille table, et dessus traînaient des miettes de pain de mie et un pot de beurre de cacahuète ainsi qu'une tasse de thé vide. Un sac à dos était posé par terre, un appareil photo en dépassait et une paire de chaussures de randonnée, neuve, attendait à côté. Je l'appelais mais mon appel resta sans réponse. Je traversais alors le salon. Des livres étaient éparpillés partout, des tas de feuilles éparses, des documents épais maintenus par des spirales. Il y avait aussi avec des tasses de thé, deux verres de vin vides ainsi qu'une bouteille vide, elle aussi. Un immense écran noir était fixé au mur, un ordinateur portable lui faisant face. Tout ce matériel semblait coûter très cher.

            Le morceau en cours d'interprétation était triste, nostalgique et brillamment exécuté. Je m'approchais et vis Eve de la porte coulissante à demi ouverte, les yeux fermés, transportée par la mélodie qu'elle jouait. Elle ne regardait pas les touches. Elle semblait absorbée. Elle avait oublié l'heure qu'il était sans doute. Je restais interdit devant la porte, ne sachant pas si je pouvais la déranger. Un profond respect m'envahit. J'écoutais l'air et fus moi aussi transporté par de multiples émotions qui se devinaient dans l'extrait. De la mélancolie, un peu de peine, mais surtout une sensation de délicatesse, de finesse, de douceur et de ferveur. Je n'avais jamais été attiré par la musique classique, mais soudain cela me plaisait. Elle jouait avec facilité, sans s'arrêter, sans réfléchir.

           Debout, par la porte à peine ouverte, je pouvais l'examiner tout à mon aise. Elle portait un pantalon de marche et un pull en polaire laissant deviner une poitrine ronde et ferme. Elle se tenait droite, et ses doigts fins et longs virevoltaient. Ses épaules fines donnaient envie de l'enlacer. La cambrure de son dos était joliment dessinée. Elle me fit penser à un puma, agile et élastique, prêt à s'élancer.

          Le morceau s'arrêta soudain et j'eus un bref instant peur de m'être fait surprendre dans mon examen malsain et j'eus honte. Je reculais, instinctivement. Elle ouvrit les yeux, soupira, et caressa son piano. Se levant, elle me vit,

—  Pardon, je ne savais pas que tu étais là. Je ne fais pas toujours attention à l'heure, je suis désolée. Ça fait longtemps que... me dit-elle, s'approchant de moi vivement.

—  Euh, non je viens d'arriver, mentis-je, gêné.

—  Je suis prête ! Mon sac est dans la cuisine. Je t'offre un café, un thé ? me proposa-t'-elle poliment.

—  J'ai déjà déjeuné. J'aimerais ne pas traîner, un orage est prévu en fin de journée, il vaudrait mieux qu'on soit redescendu, dis-je afin de justifier mon refus.

—  Oui, bien-sûr, allons-y ! acquiesça-t'-elle et elle me laissa pour se diriger vers la cuisine. Elle laça ses chaussures neuves, prit sa veste de pluie et ferma son sac à dos. Je la suivis jusqu'à la porte qu'elle referma consciencieusement. Une fille de la ville.

            On se mit en marche en silence. Son parfum m'enivra de nouveau. J'avais eu trois jours pour y penser mais je n'arrivais pas à définir les fleurs qu'il contenait. Il faut dire que je ne m'y connaissais pas du tout en fleurs. Était-ce son odeur naturelle ou un parfum très cher qui pouvait à ce point me faire chavirer ? Je passais devant elle et avançais tout à ma réflexion quand je me rendis compte qu'elle ne pouvait pas suivre mon rythme. Je fis demi-tour et m'excusais en souriant,

La Loi De La Louve Tome 1 La Grande AuroreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant