Chapitre 6

365 58 33
                                    

Debout dans le salon, juste devant la télévision éteinte, les bras croisés sur mon torse, j'observe avec attention tous les plats qui se trouvent sur la table basse. Gâteaux apéro en tout genre. Crudités et houmous. Des fines tranches de saucisson. Des feuilletés de saucisses. D'autres au fromage. Des mini croque-monsieur et pizzas.

— Céleste ? l'appelé-je.

Elle se contente d'un petit hum alors qu'elle a la tête dans le four.

— Tu m'avais pas dit qu'on recevait la famille royale !

— Hein ?

— La famille royale, répété-je.

Elle se relève et aussitôt je me retiens d'éclater de rire en découvrant sa coiffure. Je cache ma bouche derrière mon poing et tente de me contrôler. Des larmes commencent à s'accumuler aux coins de mes yeux. Mon corps a quelques mouvements incontrôlables partant depuis mon ventre. A priori l'humour se trouve à cet endroit-là. C'est peut-être pour ça que ceux qui font un régime rigole moins.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? me demande-t-elle, les sourcils froncés.

— Ri-rien. Je...

Un éclat de rire tente de m'échapper. Je le camoufle comme je peux derrière un toussotement mais aucune chance qu'elle ne se rende compte de rien.

— C'est quoi ton souci ?

Je me racle la gorge et prends sur moi.

— Rien. Je me demandais si tu avais invité tout l'immeuble vu tout ce que tu as préparé.

— J'ignore ce qu'il aime alors il faut un peu de tout, annonce-t-elle en contournant le comptoir pour apporter trois verres.

Elle les pose puis son regard glisse sur moi de haut en bas et de bas en haut. Avec jugement.

— Tu vas te changer, j'espère !

Je baisse les yeux sur mon t-shirt et mon short. Ça me convient bien. Ça me correspond. Je ne vais pas aller me mettre une chemise ou un pantalon à pince pour recevoir mon voisin. De toute manière, il a bien vu mon pyjama sous mon jean hier alors le short, ce n'est rien en comparaison.

— Pourquoi ?

— Pour faire bonne impression, affirme-t-elle en retournant dans la cuisine.

Je m'installe sur le rocking chair que j'ai rentré tout à l'heure parce qu'on ne va pas passer la soirée tous les trois en rang d'oignons sur le canapé. Il me faut mon espace personnel, encore plus avec des inconnus.

— Je crois que c'est trop tard pour ça...

Je vois bien que tout est presque prêt et le stress commence à monter en moi. Si je suis asocial, c'est parce que les gens ne m'intéressent pas mais aussi et surtout parce qu'ils me font peur. Je n'ai jamais été bon pour faire la conversation ni pour me lier aux autres ni pour être cet être humain normal que Céleste aimerait que je sois. En position tailleur, je me balance un peu et ça calme un peu mon rythme cardiaque. Mes paumes moites frottent mon short.

— Tu sais que ça va bien se passer ?

Je relève les yeux vers Céleste et dans son regard, l'inquiétude prend toute la place. Naturellement, je lui adresse un sourire qui se veut rassurant.

— Oui, oui, tu es avec moi donc tout va bien, lui dis-je mais une bonne partie de moi n'y croit pas du tout.

Je n'ai jamais su me faire d'amis. Le peu que j'ai eu m'ont tous tournés le dos bien avant que je réussisse dans le métier de mangaka. Quand j'y pense, certains le regretteraient s'ils le savaient et reviendraient sûrement en rampant vers moi. Les perdre m'a encore moins donné confiance en mes capacités sociales. Mais s'il y a bien un moment où je peux ne pas être trop ridicule, c'est quand je suis épaulé par ma meilleure amie.

In the starsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant