Chapitre 24

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Malgré le plaid qui couvre mon corps, je frissonne. Assis sur mon rocking chair qui se trouve sur la terrasse, les jambes repliées contre mon torse, je laisse le vent balayer mes mèches de cheveux. Certaines passent devant mes yeux, me cachant la vue par intermittence. Mais pour une fois, ce n'est pas elle qui m'intéresse. L'immeuble prenant vie, la lune filant se coucher, le ciel se colorant à mesure que le soleil se réveille, les étoiles rentrant après une nuit peu reposante... rien de tout ça n'a d'importance à présent.

Quand Dante a quitté mon appartement, j'ai pris une douche, pensant que l'eau allait dissoudre ma tristesse. Puis je me suis couché dans mon lit, le regard fixé sur mon plafond. Le sommeil n'est jamais venu, préférant me laisser cogiter à cette nouvelle vérité. Cependant, elle est trop dure à encaisser pour moi. Elle bouscule trop de choses dans ma vie.

Je me suis repassé plusieurs fois toute notre relation. Depuis mon débarquement pour lui faire baisser le son jusqu'à sa semi-déclaration dans mon salon. Seulement deux mois séparent ces deux moments de ma vie et pourtant, j'ai la sensation que ça fait bien plus longtemps. Comme si j'avais vécu une seconde vie pendant ce laps de temps.

Moi, le mangaka qui ne sortait pas de chez lui a vu son quotidien être totalement chamboulé et je suis perdu. Complètement. C'est ridicule. La majorité des gens saurait comment réagir à tout ce que Dante m'a confié cette nuit, l'ont peut-être même déjà vécu plusieurs fois. Mais moi, ce genre d'événements n'était qu'une scène d'une de mes histoires. Quelque chose de fictif.

Pourtant rien n'est plus réel que les mots qu'il m'a dits ou ses larmes au coin des yeux. Rien.

Je commence à me balancer et ferme les yeux, m'abandonnant complètement à ce mouvement régulier et rassurant. Mon corps fatigue mais mon esprit bouillonne encore trop pour que je puisse m'endormir. Malheureusement, j'ai conscience que ça n'arrivera pas de sitôt.

Au bout de longues minutes, je soupire. Je me lève brusquement et rejoins mon atelier. Sans attendre, j'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et lance une playlist totalement au hasard, le son à fond, pour créer une barrière entre l'extérieur et moi. Dans mon placard, je cherche une feuille qui ferait l'affaire pour ce que j'ai en tête.

Après une exploration chaotique, j'en trouve une. Je la récupère avec un scotch spécial. Je m'approche d'un des murs vierges de décoration. Frénétiquement, comme si tout mon être était en manque ou si ma vie en dépendait, je colle le papier. Une fois affiché, je l'observe longuement, laissant l'inspiration monter lentement en moi.

Avec un crayon à papier, j'esquisse ce qui me passe par la tête puis sors avec enthousiasme mes pinceaux et mon aquarelle. Mon bras ne tarde pas à virevolter. Je n'ai même pas l'impression que mon cerveau commande quoi que ce soit. Tout me semble instinctif et j'oublie tout. Je ne réfléchis plus à Dante, à ses aveux, à l'amour, à l'amitié, à nos existences. Seul mon art me fait vibrer.

Sous ma brosse, les formes prennent vie. Les secondes défilent, les minutes s'effilochent... J'ignore combien ont glissé entre mes doigts quand une main se pose doucement sur mon épaule. Je sursaute, opère aussitôt un demi-tour bancal et loupe de tomber en arrière. Heureusement, on me retient par le bras. Une fois la surprise et la peur me quittent, je réalise que c'est Céleste qui se tient devant moi.

Les sourcils froncés, elle paraît soucieuse alors qu'elle ouvre la bouche pour parler. Cependant, je n'entends pas le moindre son en sortir à cause de mes écouteurs toujours visés aux oreilles. Avec un léger regret, je me vois dans l'obligation de les retirer de ma main libre. Mon amie me demande :

— Ça va, Andrian ?

— Magnifiquement bien !

Je me détourne et abandonne mon pinceau par terre, sur un vieux journal que j'ai installé sous ma feuille, pour éviter de salir mon sol.

In the starsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant