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13 juin 2023
"les liens se font et se défont, les humains s'offensent et se défoncent"

après cette fameuse soirée, les deux frères et sœurs s'étaient revus une ou deux fois sans jamais avoir reparlé de ce soir là. ils avaient continué à vivre comme si cela n'avait été qu'une hallucination, le fruit de leur imagination, un cauchemar inventé qu'ils s'efforçaient d'oublier. Gérard avait quitté l'appartement dans lequel il résidait normalement avec son fils ; en voyage d'affaires ou bien simplement dans une résidence secondaire, il ne donnait plus aucun signe de vie.

c'est ainsi que la vie avait repris son cours, simplement et pourtant si difficilement. Raquel s'efforçait chaque jour d'ignorer la peine dans sa poitrine en repensant aux images qui lui revenaient sans cesse dans l'esprit avec cette soirée : les pieds de son frère se décollant du sol, la gifle de son père s'abattant sur sa joue, et leurs visages colériques et bouillonnants de haine qu'elle avait pu découvrir ce soir là. l'unique chose qu'elle savait était que leurs relations avec leur père avait changé à tout jamais.

aujourd'hui, elle allait partager un repas avec la belle et douce Fleur, en espérant que sa présence parfumerait un peu les jours fades de la jolie Magalhaes. durant la pause du midi, elles avaient toujours une heure ou deux à se consacrer l'une à l'autre. en effet, il était extrêmement important, pour les deux adulescentes, maintenant qu'elles habitaient toutes les deux dans la même ville, et surtout le même arrondissement, de partager du temps ensemble.

c'est ainsi qu'elles avaient choisi un magnifique restaurant italien, pour rappeler à la belle française Fleur les doux souvenirs de son précédent Erasmus, endroit où elle avait rencontré le garçon qu'elle nommait maintenant l'homme de sa vie. une pizza à la crème de truffe pour la portugaise, une pizza à la burratina pour sa meilleure-amie, et voilà qu'elles étaient parties pour des dizaines de discussions différentes pour refaire le monde.

"- ton père t'a quoi, demanda la blonde d'un air inquiet ?" elle avait parfaitement compris les mots que sa meilleure-amie avait prononcé. seulement, cela dépassait tout bonnement l'entendement.

dix ans plus tôt, les Magalhaes de Salces étaient l'image parfaite de la famille rêvée : un père de famille ambitieux, ayant parfaitement réussi sa vie sur tous les points, sachant parfaitement mêler une vie professionnelle complète et une vie de famille pleine d'amour, une mère de famille élégante et douce, toujours présente pour ses enfants et aimée de toutes les femmes du quartier, et deux enfants intelligents et très bien élevés qui ne pouvaient que suivre les pas de leurs parents.

aujourd'hui, tout ceci s'était brisé en mille morceaux.

en voyant le manque de réponse de sa meilleure-amie, Fleur comprit rapidement que l'heure n'était pas aux discussions sur ce sujet, et elle reprit alors : "- et Kylian, qu'est-ce que ça donne ?"

c'est à cette question que la portugaise releva la tête de son épaule en fronçant les sourcils :

"- comment ça ?

- et bien, vous en êtes où quoi ?

- bah, je pense qu'on est pote, enfin, il est cool quoi." elle avait répondu d'un air totalement désintéressé, comme si le simple fait d'être amis lui suffisait amplement. après tout, sur ses relations amoureuses, Raquel s'était toujours montrée peu intéressée et très discrète. elle était, tout bonnement, indécryptable. "- je m'en veux trop de les avoir invité à manger en même temps. j'ai l'impression d'avoir tout cassé, que tout est de ma faute, c'est horrible."

elle était brusquement revenue sur le sujet principal, et Fleur en était fière. règle numéro une : on ne force jamais Raquel à parler, elle en parle lorsqu'elle a envie, et elle finit toujours par en parler.

"- tu ne dois pas t'en vouloir, tu as simplement organisé un repas de famille. tu sais très bien que leur relation était devenu une bombe prête à exploser depuis ton départ, ce n'est pas à cause de toi que cela a explosé, cela devait arriver.

- je n'aurai peut-être pas dû partir alors, tu vois ?

- tu as ta vie Raquel, Gérard a sa vie et Ruben la sienne. tu ne peux pas faire ta vie en fonction de celle de ton entourage. puis, qui sait, peut-être que le fait que cela ait explosé est un truc positif. maintenant que tout a été dit, peut-être que ton père va se remettre en question, qui sait ?"

Raquel hocha la tête, même si dans le fond elle n'y croyait que très peu. "- j'espère." après quelques secondes de silence, signifiant que la brune ne souhaitait plus en parler, la blonde reprit la parole en effectuant à nouveau un changement de sujet :

"- d'ailleurs, tu sais que Oscar rentre dans deux semaines ? j'ai trop trop trop hâte." elle laissa la gêne habituelle être remplacée par une joie immense. après quatre ans de relation et une demande de fiançailles, Fleur avait toujours gardé la folie des premiers jours, se comportant encore littéralement comme si elle venait de le rencontrer. "- il va venir visiter des appartements avec moi, t'imagines ? depuis le temps que j'en rêve."

et oui, après ces quatre ans de relation à distance, la demande de fiançailles avait aussi été le moment pour Oscar d'annoncer qu'il emménagerait sur Paris, aux côtés de sa future femme. alors, leur prochain plan était désormais de trouver un appartement, pour y vivre à deux. "- mon Dieu, t'es bientôt maman, mariée, coincée dans une voiture 7 places avec 4 enfants à l'arrière, à écouter pat'patrouilles tous les jours..." le dessin que la portugaise réalisait actuellement était loin d'être le plus agréable.

"- mais ta gueule, pas du tout, on va juste emménager ensemble.

- ça me semble si loin.

- tu devrais t'intéresser à ce qu'il y a autour de toi, tu verrais que c'est pas si loin."

Raquel ne comprit par les mots de sa meilleure-amie, et pourtant, elles changèrent de discussion une nouvelle fois pour discuter du travail de l'une et de l'autre, critiquant certains collègues ou certains projets qu'elles exerçaient en sachant parfaitement que si elles n'en parlaient que toutes les deux, jamais ces critiques ne seraient dévoilées.

le soir même, en rentrant du travail, elle se retrouva "malencontreusement" devant le match que jouait le Paris Saint Germain. emmitouflée dans un plaid, avec des wraps maisons entre les mains, la brune s'épuisait à suivre le numéro 7 sur son écran. le score était de deux partout, et il ne restait plus que quelques minutes, quelques minutes pour remonter. la pression montait aussi bien sur le stade que dans l'appartement de la portugaise qui ne pouvait détourner son regard de la télévision, ne serait-ce que pour quelques secondes.

but du PSG. but du numéro sept. but de Kylian Mbappé.

et, sans même s'en rendre compte, Raquel ne put s'empêcher de lâcher un petit cri de joie, laissant apparaître sur ses lèvres un grand sourire de satisfaction. elle qui normalement n'était intéressée que par les matchs de son frère, elle semblait désormais s'intéresser tout autant aux matchs de son voisin du dessous. seulement, c'était normal, n'est-ce pas ? après tout, ils étaient amis.

magalhaes // kylian mbappéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant