La fumée dansait autour de moi, me narguait, m'offrant la mort pour juste après l'arracher. Elle voulait que je souffre.
Mes parents.
L'odeur âcre et fruité du cannabis m'asphyxiait, elle n'avait plus rien d'attrayante, elle puait maintenant le brulé.
Où suis-je ?
Étourdie, la tête lourde, je manquais désespérément d'oxygène. Mon cœur battait beaucoup trop vite, m'alertant que le danger allait bientôt venir toquer à ma porte.
La fenêtre.
Engloutie par l'obscurité, je tâtonnais aveuglément autour de moi. Je crus toucher l'ouvrant de la fenêtre, je décalais ma main un tantinet vers la gauche et trouva finalement la poignée. J'ouvris la fenêtre et la minute suivante l'enfer m'accueille brutalement.
Feu.
Une couronne de flamme décorait horriblement l'entour de la maison me tenant possesivement comme otage. Ils n'osaient toutefois pas entrer à l'intérieur, sagement, ils tenèrent la garde m'interdisant de sortir.
Car un enfer bien plus sanglant s'opérait dehors.
Des cris.
J'entendis la voix agonisante de mon père puis celle de ma mère, ils étaient lointains, étouffés par la fumée. Je restai dans le déni, l'incompréhension, refusant de croire que ces flammes étaient venues, tuaient ma famille. Ces cris ne leur appartenaient pas.
C'était juste un cauchemar, Alora.
Un cauchemar dont il fallait que je m'en débarrasse très vite.
Pieds nus, je me préparais à combattre le brasier. Il n'était qu'imaginaire, tes parents allaient bien, tu vas bientôt te réveiller. Alors d'une force inouïe, je défonçais la porte de la pièce et longeai le couloir.
Plus qu'un seul obstacle pour sortir de ma putain de cage.
Je me ressourçai de chaque force constituante les minables cellules de mon pauvre maudit corps avant de foncer vers la porte.
Bingo, je l'ouvris.
Allez courage Alora, tu allais bientôt te réveiller sur l'odeur de pain de mie cramé de ta mère.
Je hoquetais lorsque les jets de braise s'attaquèrent à ma peau, rendant mon rêve encore plus réaliste puisqu'une vive douleur m'écorchait.
Je hausse les épaules me rappelant avoir lu que 50 % des personnes mises sous études ont rapporté avoir expérimenté une douleur physique lors de leurs rêves. Je faisais donc partie des chanceux.
Cette douleur ne dépassait pas la spéculation.
Alors, je fonçais sur le cercle infernal, carburé par un feu ravageur qui ne s'attarde pas à dévorer l'entièreté de mon épiderme. Je hurlai, j'agonisai, combattis la douleur, mais ne m'arrêtai jusqu'à ce que je retrouve ma liberté.
Loin du feu, je descendis mon regard vers mes jambes brulés, ils tremblaient et la fine couche d'épiderme se décomposait or malgré leur piteux état, la douleur était bizarrement faible. Merde, les terminaisons nerveuses avaient brulé !
Concentre-toi Alora, ce n'est qu'un rêve, tes terminaisons nerveuses sont en parfaite forme.
Doucement, j'arrache mes yeux de mes jambes cramés et les levai vers l'horizon, où un spectacle encore plus horrifiant s'opérait.
Seigneur, ce cauchemar ne faisait qu'empirer.
Le trésor de mes parents, des années de travail acharné, leur richesse tant protégée était en train de faner, se soumissent à la cruauté du feu.
Le champ de cannabis brulait, à côté de lui le laboratoire n'était maintenant plus que cendres. À deux, main dans la main, ils tiraient à leur faim et dans leur cœur, explosaient les cris de leurs fondateurs, mes parents.
Mes parents mourraient avec eux.
Je devais les sauver.
Je courrais de toutes mes forces avec ces jambes qui ne tenaient qu'à un faible bout de chair, menaçant de me lâcher d'une seconde à l'autre. Je courrais, n'ayant comme destinée que cet horizon ardent. Je courrais, sachant impertinemment qu'au moment même où je rejoindrai le champ de cannabis, ce ne serait plus qu'une peau brulée, mais bel et bien mon âme qui se condamnerait à l'enfer pour l'éternité. Je courrai, avec seul carburant ,les cris affligeant des deux prunelles de mes yeux.
Dans le rêve, autant que la réalité, je ne vivrai que s'ils vivent et mourrai s'ils meurent.
Plus je m'approchai du schéol, plus une réconfortante chaleur m'enveloppait, me souhaitant poliment la bienvenue. Et alors que je fermais doucement les yeux, m'apprêtant à me sacrifier au bain de mort, deux bras m'agrippèrent violemment ta taille.
Dis donc, un nouveau personnage s'est infiltré dans ce rêve sordide.
Mon dos contre son tors, ses bras encerclent fermement ma taille, il me tira jusqu'à ce que nous soyons suffisamment loin du feu puis me posa délicatement par terre.
Je cligne des yeux, n'arrivant pas à discerner les traits de son visage, faute de l'obscurité de la nuit et de son maudit capuchon abattu sur sa tête. Selon sa carrure, il ne semblait pas dépasser les vingtaines, mais avait certainement dépassé la puberté. Dix-huit ans ?
Temps mort pour cette curiosité débile. J'essayai de me libérer, mais les mains de l'inconnu se clouèrent à mes épaules, collant mes fesses contre la boue, puis il descendit à mon niveau, ancrant ses iris vert clair dans les miens.
_ Tu ne peux pas mourir aujourd'hui petit ange, me souffle-t-il.
Il sentait bon, je voulais à tout prix imprégner son odeur dans ma peau, alors j'approchai mes doigts vers son visage et le caressais délicatement en fermant les yeux, savourant cette douceur.
_ Je ne vais pas mourir. Ce n'est qu'un rêve, le rassurai-je en ouvrant mes yeux, lui offrant un doux sourire pour le réconforter.
Il avait peur, il devait savoir que rien n'était réel !
Il hoche la tête et me ramène contre son torse. Aussitôt l'enfer qui nous entourait s'éteint et il n'existait plus que nos deux corps flottant dans ce rêve saugrenu.
Soudain, tout s'éclaircit dans ma tête et je levai mes yeux vers lui.
_ Tu es venu me sortir de ce cauchemar ?, lui demandai-je.
Sous mon oreille, les battements de son cœur s'accélèrent et ce fut la plus belle mélodie que mes oreilles avaient pu gouter.
Il ne répondit pas, mais affermit son étreinte jusqu'à ce que nos deux corps fusent ensemble.
_ Tu es mon Séraphin, fut mon dernier souffle avant que mes yeux se fermèrent, emportant avec yeux ma conscience.
Séraphin, plus belle créature céleste, l'ange le plus élevé en dignité, mon sauveur des flammes.
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Séraphin
RomanceDans l'écho déchirant des flammes, j'ai vu ma famille, et avec elle, des années de dévouement médical réduites en cendres. Alors que je voulais les rejoindre, une main angélique m'a retenu, une main dont l'identité m'était longtemps restée inconnue...