Kawata brothers [Smiley & Angry x OC]

23 - Yuishiro Tenno

Le coup de téléphone du médecin lui parvint sur le chantier où il travaillait comme contremaître. Tenno hésita en voyant un numéro inconnu, puis il décrocha.

– Ouais, c'est quoi ?

– Monsieur Tenno ? Vous êtes bien Yuishiro Tenno, le tuteur de Ko Shirogane ? Ici l'hôpital central.

Tenno mit un instant à rassembler ses esprits. Shirogane. C'était le nom de la gamine. Pourquoi l'hôpital l'appelait-il ? Il sentit une sueur froide lui couler dans le dos. Est-ce qu'elle avait finalement porté plainte ? Non, ça n'était pas son genre. Quelqu'un d'autre alors ? Un professeur ? Ou un des petits bâtards de son gang ?

Il passa un main nerveuse sur son visage.

– Ouais, c'est moi. C'est pour quoi ?

Le médecin reprit.

– Votre nièce a été conduite aux urgences dans un état grave un peu plus tôt cet après-midi.

– Ah.

Un silence suivit. Désarçonné, le médecin toussota puis poursuivit.

– Je crois que nous devrions nous rencontrer. Pensez-vous que vous pourriez passer à l'hôpital ?

– C'est que je travaille là...

– C'est important, le coupa le médecin. Ça ne sera pas long.

Lorsque Tenno arriva à l'hôpital, la nuit était tombée depuis longtemps. Il avait bu pour se donner du courage, mais il ne put s'empêcher de scruter les couloirs dans la crainte d'y apercevoir des uniformes de police.

Le médecin qui l'accueillit portait une épaisse paire de lunettes. À côté de lui, l'infirmière était mignonne. Pas tout à fait son style, se dit Tenno, mais ça pouvait aller.

– Je suis content de vous voir monsieur Tenno, dit le médecin. Nous sommes dans un situation délicate et je devais absolument vous parler au plus vite.

– Ouais... bredouilla l'oncle de Ko.

Il sentit sa peur monter d'un cran.

– Je ne sais pas comment vous annoncer cela, reprit le médecin, mais nous avons examiné votre nièce suite à son admission. Elle porte les marques de coups très nombreuses.

Tenno regarda nerveusement autour de lui et déglutit.

– Ah bon...

Le médecin poursuivit.

– Je pense que les garçons avec qui elle traîne sont les responsables, dit-il. Avez-vous déjà constaté un comportement inhabituel chez votre nièce ?

– Les garçons ? Répéta Tenno. Vous voulez dire les gamins du gang ?

– C'est cela, dit le médecin. Si nous parvenons à déterminer à quel moment les mauvais traitements ont commencés ce sera d'une grande aide pour la police.

– La police ?

– Oui, je les ai contactés cet après-midi, je suis prêt à témoigner à vos côtés. Ces voyous ne doivent pas s'en tirer.

– Vous voulez porter plainte contre les gamins ?

Le médecin commençait à perdre patience à force de l'entendre répéter tout ce qu'il disait.

– C'est cela monsieur Tenno.

Tenno eut du mal à se retenir de rire, l'alcool aidant, il se mit à pouffer. Les mioches qui l'avaient tabassé allait finir en taule à sa place, quelle bonne blague ! Ça c'était une vengeance comme il les aimait.

– Bien sûr, reprit le médecin, nous ne disposons pas de preuves formelles, mais je pense que les antécédents des fréquentations de votre nièce devraient suffire à ouvrir une information judiciaire. Avec votre témoignage et le mien, nous devrions pouvoir les faire placer en maison de correction et mettre ainsi votre nièce à l'abri.

Tenno luttait toujours contre le fou rire qui menaçait de s'emparer de lui. Il se força à se ressaisir, l'occasion était trop belle.

– Ouais, dit-il, on va faire comme vous dites.

Le médecin hocha la tête.

– Très bien. Dans ce cas, le mieux serait que vous alliez porter plainte dès demain.

– Ouais, je vais faire ça.

De nouveau un silence survola le couloir. Tenno reprit.

– Mais du coup, vous vouliez me voir juste pour ça ? Dit-il.

Le médecin fut choqué par sa question, derrière lui, l'infirmière écarquilla les yeux. Tenno poursuivit sans leur laisser le temps de parler.

– Parce que si c'est de fric dont vous avez besoin pour payer la facture de la petite, j'en ai pas.

Une fois Yuishiro Tenno parti, le médecin s'enferma dans son bureau. Les mains croisées devant son visage, il réfléchissait en fixant son téléphone. Finalement, il décrocha le combiné et composa le numéro de l'inspecteur à qui il avait parlé plus tôt.

Si les deux garçons avaient paru abasourdis par la nouvelle un peu plus tôt, l'oncle de la petite, lui, n'avait pas sourcillé un instant. Comme s'il était déjà au courant.

– J'ai peut-être fait une erreur, dit le médecin à voix haute pour lui-même.