Acte 4
Scène 1
POLÉMARQUE, ALCIBIADE ET LES DISCIPLES
Polémarque et les disciples du régime sont assis sur des gradins. On est dans un amphithéâtre. Au centre se trouve Alcibiade. Les disciples parlent entre eux.
ALCIBIADE : (Il tient une branche d'olivier.) Aspirants ! Guerriers et philosophes ! Allons, du calme, je demande votre attention. (Tous se taisent et attendent.) Aujourd'hui, vous allez recevoir la distinction suprême de notre institution, qui marquera votre entrée dans les élites du régime. Vous allez être distingués par une branche d'olivier selon votre appartenance et votre rôle dans la cité. Cependant, cette distinction ne vous est pas attribuée pour l'honneur mais pour l'utilité que vous en ferez. Sachez nous rendre ce qu'on vous a fièrement donné !
POLÉMARQUE : (Il se lève et prend la parole.) Je souhaite me donner corps et âme au régime. Cependant, je ne peux recevoir une distinction de cette sorte sans m'interroger sur sa nature.
ALCIBIADE : (Agacé). Je te donne la parole.
POLÉMARQUE : Merci. (Il se place au centre des gradins, au côté d'Alcibiade.) Pourquoi doit-on être récompensé ? Nous n'avons encore rien accompli.
ALCIBIADE : Mais c'est pour vos bonnes actions futures que nous vous récompensons.
POLÉMARQUE : Je suis fidèle aux idées de mon maître, c'est-à-dire à l'intérêt de la cité. Je n'ai pas besoin d'être récompensé pour cela.
ALCIBIADE : C'est votre vertu ! Une en or pour les rois-philosophes qui créeront les lois justes, et une en argent pour les soldats qui les feront appliquer.
POLÉMARQUE : Pourtant, notre nature est différente de l'Idée qu'on s'en fait.
ALCIBIADE : Ah bon, Polémarque ?
POLÉMARQUE : En effet, notre vertu découle de nos aptitudes de naissance. Ainsi la cité est pourvue d'artisans, de soldats et de philosophes.
ALCIBIADE : Je suis un soldat, ma nature est de combattre aux côtés de Socrate.
POLÉMARQUE : Certes, la mienne est de rejoindre Socrate sur le trône en tant que roi-philosophe.
ALCIBIADE : (Fait une moue de surprise). Le corps est pourtant le reflet de l'âme, Polémarque. (Exaspéré.) Tu as un corps de garçon, or le roi-philosophe est un homme. Apprend déjà la sagesse de l'épée, tu apprendras ensuite celle de Socrate.
POLÉMARQUE : Pourtant, j'ai une âme incorruptible : mon corps robuste et prompt peut s'exercer aux armes, mais aussi et surtout au désir de connaître.
ALCIBIADE : (Piqué au vif.) Seul Socrate est philosophe.
POLÉMARQUE : Mais ne sommes-nous pas ici pour apprendre à le devenir ?
ALCIBIADE : (Perdu.) Mmh ... admettons. Que proposes-tu pour t'élever à ce rang ?
POLÉMARQUE : Seule l'excellence de l'âme peut nous faire atteindre cette gloire suprême qu'est la gouvernance de la cité. Le corps ne peut prétendre à cette connaissance. Aucune distinction matérielle ne peut nous conférer une nature. Ainsi, que peut nous apporter ce trophée en forme de branche d'olivier ?
ALCIBIADE : La république vous attribue votre nature. Il suffit, Polémarque, je suis ton chef. Accepte la sagesse du régime. (Polémarque est un peu décontenancé. Il se tait. Les disciples chuchotent, puis Alcibiade apporte un vase rempli d'eau chaude pour purifier ses disciples. Chacun trempe ses mains dans l'eau, se lave le visage, lève la main droite, se dirige vers Alcibiade qui leur donne le trophée tout en psalmodiant un serment.)
LES DISCIPLES : Ô fils de la raison, noble sire entre tous,
Tu as été bien partial en faisant tes lois.
Socrate, je reconnais ton droit à régner sur les hommes,
Car tu es le meilleur d'entre nous.
J'engendrerai des enfants qui seront la gloire de la république mais ne prendrai pas de femme car ma seule dévotion revient à Socrate.
Ô fils de la raison, noble sire entre tous ...
(Les disciples récitent en continu leur serment tout en avançant vers Alcibiade. Lorsque Polémarque parvient au bout de la procession, il se pose devant son supérieur qui lui donne une branche d'olivier en argent. Polémarque a un regard de déception mais ne dit rien. Les disciples quittent la procession après avoir reçu leurs trophées. Alcibiade vient voir Polémarque.)
ALCIBIADE : (Légèrement sarcastique.) Je suis fier de toi, jeune recrue. Je pense que tu as une belle carrière devant toi, pourvu que tu réussisses avec brio la tâche que je t'ai confiée.
POLÉMARQUE : (Défait.) Oui, mon général.
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LA RÉPUBLIQUE IMAGINAIRE
Pertualangan20 ans après les évènements du ROI-PHILOSOPHE. Socrate est devenu le tyran de la cité. Il impose ses lois, son mépris pour le peuple, tourne ses ambitions du côté de l'éducation des philosophes et ne se soucie plus des petites gens. Il est temps po...