Mon IA viendra

J-153 >> Luka

Prince — Tobi, étudiant en programmation, vingt ans.

Emy — Non.

Prince — Regarde au moins son PHO. Il a l'air mignon.

Emy ­— Je l'ai vu.

Prince — Tu as refusé avant la fin du téléchargement.

Emy ­— Maintenant, je le vois. Et c'est toujours non.

Prince — Que lui reproches-tu, à celui-là ?

Emy ­— Je dois me justifier ? C'est nouveau.

Prince — Tu as rejeté six cent quatre-vingt-deux propositions en douze jours. Je ne peux pas m'améliorer si tu élimines tous les profils sans explication. À partir de maintenant, je te demande de motiver tes choix.

Si j'en avais trouvé l'audace, je l'aurais imposé plus tôt. Emy rechigne tellement à cette recherche que je n'ose me montrer trop exigeant avec elle... Mais là, vraiment, je n'en peux plus. Chaque soir, elle pulvérise en quelques minutes les heures que Ginny et moi passons à brasser les profils au lieu de vendre des saveurs. Ou dormir.

Je suis prêt à sacrifier une part de mon sommeil pour aider Emy à trouver l'amour. Je voudrais juste un peu de bonne volonté de sa part, quelques indices pour orienter ma prospection. Je ne demande pas un ciel bleu !

Emy ­— Trop jeune, Votre Altesse. Et toujours étudiant.

Se moque-t-elle de moi ? Je ne décèle pas d'humour dans sa voix. Une légère dégradation hormonale me confirme qu'elle ressent de l'agacement, comme toujours pendant ces séances. J'essaie de la raisonner.

Prince — Tobi a deux ans de plus que toi. Et tu étudierais également, si tu n'étais pas endonneuse.

Emy ­— Si je n'étais pas endonneuse. Mais je le suis. Et ça change tout.

Prince — En quoi son âge te pose-t-il problème ?

Emy ­— Attends... Je dois aussi justifier mes justifications ? Tu vas trop loin.

Prince — Excuse-moi. J'essaie de te comprendre. Tu n'avais pas exprimé ces critères initialement.

Emy ­— Mais enfin ! Regarde sa tête ! Encore un peu et il aurait l'air d'un prépubère.

Je coupe le micro pour rire. Maintenant qu'elle le dit, entre les traits enfantins, le duvet au menton et les boutons, je ne lui aurais pas donné plus de quatorze ans. Charitable, je laisse Prince présenter le profil suivant.

Prince — Juan, livreur de biobulles, vingt-six ans.

Emy ­— PHO ? Si je réponds « non » tout de suite, tu vas geindre.

J'ai l'impression qu'elle se détend. Attendait-elle de moi que je proteste ? Essayait-elle d'éprouver ma patience ? Ce comportement me fait penser à Kati, qui rejette d'emblée même un objet ou un service qu'elle désire ardemment. J'appelle ce travers le syndrome de la princesse affamée. Trop fière pour accepter une aide vitale.

Plus le temps passe et plus Emy se confond dans mon esprit avec mes sœurs. Elle leur ressemble tant que mes réactions coulent instinctivement.

Prince — Il arrive. Je testais ta bonne foi.