J-048 >> Luka

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Monsieur,

Suite à la baisse significative de vos performances deux semaines consécutives, nous sommes au regret de nous séparer de vous.

Votre ultime versement hebdomadaire prend en compte tout lot de mille saveurs vendues à ce jour, soit <4> médailles pour <4983> transactions. D'autre part, nous vous rappelons que toutes les saveurs inventées pendant votre affectation chez Mangez de Plaisir ! demeurent la propriété exclusive de la société.

N'hésitez pas à repostuler au statut initial si votre motivation renaît. Au vu de vos résultats décents pendant les premières semaines, nous évaluerons votre candidature avec la plus grande attention.

En attendant, Mangez de Plaisir ! reste à la pointe du bien-être de ses collaborateurs humains. Nous vous offrons donc <7> saveurs gratuites au choix dans notre nouveau catalogue.

Nous vous souhaitons une belle carrière !

Gastronomiquement vôtre,

Natasha [au nom du Gestionnaire des Ressources Humaines et Assimilées].

Mangez de Plaisir !


lucky> Brigs, tu ne devineras jamais !

Trop agité pour continuer à explorer des extensions hors de prix, j'enregistre la page NostalJeu pour plus tard. La piste d'activités manuelles, d'un retour à l'essentiel, me semble prometteuse pour occuper le géniteur. J'aurais dû penser plus tôt à le motiver, à lui donner une raison de coopérer, une récompense en échange de ses futurs progrès.

J'imagine qu'il ne lui manque qu'un coup de pouce. Si seulement je parvenais à le stimuler, il consentirait à ce que son état s'améliore ! Je l'espère, en tout cas... Les insomnies, les vomissements et le jeûne lui ont fait perdre huit kilos en deux semaines. Les comptes rendus de Lizzie sur sa santé psychologique m'inquiètent tout autant.

Je lance une œillade ironique au PHO d'Emy.

— Malgré leur prix exorbitant, dis-je, les extensions ParleMoi ont leurs limites !

Pour une fois, son éternel sourire ne me suffit pas. Ce soir, je ne pourrai pas lui parler de ma vie. Ce soir, comme tous les soirs, nous parlerons de tout sauf du monde réel, tout sauf nos sentiments, tout sauf ce qui compte vraiment.

Le noir profond de ma bague me donne l'impression de couler. Je voudrais rire, plaisanter de ma perte d'emploi avec un frère qui me comprendra et ne me laissera pas sombrer. Quelques boutades, quelques insultes, et nous repartirons à l'assaut de ce monde sans pitié, portés par l'illusion d'appartenir à une armée.

Une troupe d'esclaves jetables, en réalité.

Mais que fabrique Brigs ? D'habitude, il se réveille en fin d'après-midi, aussi frais et disponible que son âge le permet.

lucky> Debout, vieil abruti ! J'ai une nouvelle à t'annoncer.

Karo tambourine contre la porte. Je ferme les yeux, trop las pour gérer une énième querelle au fondement fantasmagorique. Son tapage tire le géniteur du sommeil. Il se met à hurler, en proie à un accès de crampes musculaires, si j'en crois les informations transmises par sa biobulle.

Je fais remonter l'écran, me lève et ouvre la porte, prêt à mordre.

— Quel est le problème, cette fois ?

Les jumelles échangent un regard, apeuré pour l'une et révolté pour l'autre, puis le petit dragon gonfle son torse ridicule. Les rugissements du géniteur résonnent dans le couloir. Aucun de ses enfants n'y prête plus la moindre attention.

Mon IA viendraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant