Port-Lumière

Chapitre 4

"J'espère que tout va bien à Port-Lumière. Ici, c'est comme toujours. Gabriel te passe le bonjour. On s'appelle vite ? Tu me manques déjà."

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Inès lui manque aussi. Océane a le cœur qui se serre un peu en pensant à son amie. Changer de ville change tout. Même si aucune d'elles n'en a vraiment envie, la distance aura un impact sur leur relation. C'est ainsi. Malgré le respect, la loyauté, l'affection, les deux amies ne pourront pas se voir autant qu'espéré et fatalement elles s'éloigneront. C'est ce que pense Océane, elle aimerait que la vie la détrompe. Elle n'attend que ça. Il y a un mois de ça elle aurait même apprécié lui raconter sa drôle de soirée avec son nouveau colocataire quand aujourd'hui elle ne se voit pas l'appeler pour ça. Elles se seraient retrouvées, auraient marché dans le centre-ville en parlant de tout et de rien puis elles auraient entamé les discussions plus profondes, plus intimes et elle aurait simplement raconté sa soirée. Là ce n'est pas réalisable. Océane pense a Clément, il lui semble être quelqu'un de confiance, pourtant elle ne le connait pas. Elle s'est toujours targuée d'avoir une vision assez juste des autres. Elle espère ne pas se tromper, ne pas vivre avec un psychopathe qui pourra la découper en rondelles à sa guise à tout moment. Il est un étranger un peu bizarre, peut-être aurait-elle dû réfléchir un peu plus. La prudence aurait dû être de mise, pourtant elle a fait le choix de la mettre de côté. Pourvu qu'elle ne le regrette pas.

Elle fixe le mur face à elle, étalée sur son lit. C'est étrange de se retrouver ici, dans cette maison que sa mère s'est efforcée de garder loin d'elle. Elle a l'impression de faire revivre une partie de son histoire, de ses racines. Il lui arrive de se demander comment était sa grand-mère. Était-elle drôle ? Intelligente ? Se seraient elles bien entendues toutes les deux ? Auraient-elles été proches ? Mais voilà, cela elle ne le saura jamais.

Océane ne contient pas son soupir. Elle est à un carrefour de sa vie, elle le sent bien. C'est le moment où elle tourne la page de l'enfance, de l'adolescence, pour embrasser sa vie d'adulte et c'est aussi angoissant que motivant. Secrètement, elle aurait aimé que sa mère reste un peu plus. Pourtant, elle sait bien que c'était trop lui demander. Il est temps de voler de ses propres ailes. D'apprendre à se débrouiller seule. Est-il possible d'allier les deux ? D'avancer vers la vie d'adulte sans pour autant perdre ce qui la rattache à l'enfance, l'adolescence ?

Clément épluche les petites annonces d'emploi. Il focalise son attention sur l'avenir, refusant de penser aux dernières semaines qui ont fait basculer sa vie dans un chao sans nom. Avancer. Avancer sans se retourner, c'est ce qu'il doit faire. Se concentrer sur ce qu'il peut maitriser, rien d'autre. Il pose son téléphone sur sa couette et ferme les yeux quelques instants. Il n'a même pas prévenu sa mère de son retour à terre. Pour lui dire quoi de toute façon ? Qu'elle avait raison ? Léa n'avait pas fait grande impression auprès de sa maman, mais il était assez convaincu du fait que cela avait plus à voir avec le fait qu'elle emmenait son fils dans une aventure peu commune voire dangereuse qu'à cause de sa personnalité. Il aime sa mère, il n'y a aucun doute là-dessus, pour lui aimer c'est aussi accepter les choix de l'autre et vraiment ce n'est pas ce qu'elle a fait lorsqu'il lui a annoncé son départ en bateau avec Léa. Il se remémore comme si c'était hier son regard, celui qui donne un sens à l'expression « avoir le regard noir ». Puis les premiers mois alors qu'il était en mer, il a cherché à la contacter, à prendre des nouvelles et trop souvent elle n'a pas répondu. Au début, il a pensé que ce n'était qu'une passade, que cela allait s'arranger, mais il a été déçu. Eux qui avaient été si proches étaient maintenant des étrangers dans sa tête, car il avait dû faire le deuil de cette relation passée.

Il aurait pu rentrer chez lui. Peut-être qu'il aurait dû, mais... ses yeux s'ouvrent d'un coup et il se lève. Il se laisse guider jusqu'à la cloison qui sépare sa chambre de celle d'Océane, il lui semble qu'il est exactement là où il doit être, même si cela échappe à toute logique.