Port-Lumière

Chapitre 7

— Clément ! CLÉMENT !

Océane secoue le corps inerte de son colocataire. Il ne répond pas, ne réagit pas. Elle cherche à vérifier s'il respire ne serait-ce qu'un peu, puis prendre son pouls, mais n'y parvient pas. Plus de lumière bleue non plus. Juste le noir.

— Non, non, non ...

La jeune femme se met à le secouer par les épaules, en vain. Puis elle lance un appel de son portable sur haut-parleur aux services de secours en composant le 112 en entreprenant un massage cardiaque.

Et 1 et 2 et 3 et boum et boum...

Impossible pour elle de savoir si elle fait ce qu'il faut, mais c'est ça ou rien.

Elle répond machinalement aux questions qu'on lui pose.

— Son cœur ne bat plus. Humain. 43, impasse de l'écume...faite vite !

Et elle appuie le plus fort possible sur le torse de Clément et remonte bien ses mains en rythme - elle espère le bon, car il faut dire qu'elle n'a pas beaucoup écouté Staying alive des Beegees.

Une éternité plus tard, sirène, ouverture de porte, défibrillateur. Elle passe le relai. Le corps de son colocataire virevolte, propulsé par le courant.

Elle n'arrive pas à suivre ce qu'il se passe, tout ça est délirant.

— Il est reparti ! annonce le médecin.

Océane se dit qu'il est plutôt revenu.

Des poches de perfusion pendouillent au-dessus du jeune homme. Océane, choquée assise sur le lit, attend qu'on lui dise quoi faire. Puis un homme en blanc s'adresse à elle.

— Vous pouvez monter dans l'ambulance avec lui, on l'emmène à l'hôpital, vous avez eu les bons réflexes, il a de la chance.

— D'accord, je...

L'homme lui tourne déjà le dos.

Elle attrape sa veste, et une fois que son colocataire est dans l'ambulance, ferme la porte de la maison.

Les heures qui suivent, assise dans un couloir d'hôpital, sont étouffantes, angoissantes. Et elle est seule. Inquiète au-delà de la raison pour Clément qu'elle connait à peine, dans une ville qu'elle ne connait pas. Que penser de ce qu'il vient de se produire ? Les médecins n'ont même pas pris la peine d'écouter cette histoire de lumière bleue et d'explosion. Il faut dire que c'est assez incroyable, des phénomènes comme ça, on n'en voit jamais.

— Vous pouvez aller le voir, si vous voulez, il est conscient, lui propose un infirmier qui s'est approché d'elle. On ne sait pas trop ce qu'il a, ce n'est pas très bon. Un problème cardiaque. Le médecin lui a bien expliqué la situation... Je pense que c'est bien que vous le sachiez avant d'aller le voir.

— Pas très bon à quel point ?

L'infirmier hausse les épaules en lui tendant un masque.

— Cela dépasse nos compétences humaines.

Cette réponse-là, elle aurait préféré s'en passer. Mais franchement elle n'avait pas vraiment de doute sur la nature paranormale des événements. Cette lumière bleue doit avoir un rapport avec ce qui se produit...

Elle entre dans la chambre d'un Clément, alité, plutôt pâle, relié à une machine qui sonne sans cesse.

— Hey, ose-t-elle.

— Hey !

Sa voix est éteinte, comme si on en avait retiré tous les rayons de soleil.

— Comment te sens-tu ?

— Oh... je me porte comme un charme !

— Un charme un peu fatigué, non ?

— Broutille !

— Qu'est-ce que je peux faire ?

— Eh bien déjà tu as fait beaucoup, car tu m'as sauvé la vie. Il parait que si tu n'avais pas été là, je restais sur le carreau.

— Broutille.

Clément esquisse un sourire.

— Tu pourras appeler le Belobog, pour prévenir que je ne vais pas pouvoir commencer à travailler de suite ?

— Bien sûr.

— Merci...

Le mot est sorti en un souffle. En réponse, la jeune femme prend sa main dans la sienne et la garde, là, posée sur les draps blancs. De minces filaments dorés couleur d'étoile se multiplient et s'enlacent autour de leurs poignets, leurs paumes et leurs doigts. Elle se demande s'il la remercie pour le coup de téléphone au secours, ou pour la réanimation puis décide que ce doit être pour les deux.

Et les minutes s'écoulent, peut-être les heures. Il s'endort, elle le regarde, ne le lâchant pas. N'osant pas bouger. Faisant défiler dans sa tête les événements de cette soirée surréaliste.