Heimr | [MINSUNG]

Chapitre 1

Les pieds dans l'herbe, Jisung fixait l'horizon d'un air absent. Quelque chose approchait, il le sentait. Bien qu'il n'ait pas été le seul à s'inquiéter des attaques barbares plus à l'est, il ne pouvait s'empêcher de sentir au fond de lui qu'il ne s'agissait pas que de folies humaines. L'énergie magique et divine qui se dégageait de l'air était trop intense pour qu'il ne se sente pas intimidé.

Fermant les yeux et prenant une grande inspiration, il se mit à rêvasser. Comme en léthargie depuis peu, il était constamment en proie à des absences comme celle-là.

Son statut de volvo le reliait inévitablement aux forces en tensions dans l'atmosphère et il trembla à l'idée de devoir entrer en contact avec elles.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, rien n'avait changé pourtant. Le ciel, immense et d'un bleu intense l'écrasait toujours, comme s'il lui indiquait que ce calme paisible ne faisait que précéder la tempête.

Il tourna sa tête vers l'est où la fumée, bien qu'encore éloignée, se rapprochait déjà dangereusement.

Lui et Chan étaient là-bas il y a de cela quelques jours à peine.

A ce rythme, les assaillants les rejoindraient en moins d'une semaine.

Soupirant, Jisung se laissa alors retomber dans l'herbe fraîche. Passant les bras derrière sa nuque, il libèra ses cheveux. Le vent qui s'engouffrait dans les plis de sa robe le fit frissoner.

Depuis son retour au village, il savait qu'il allait devoir agir. Seule personne capable de pratiquer la magie et plus particulièrement le spà, il tentait encore d'entrer en communion avec la nature afin de pouvoir communiquer avec les divinités du Jötun.

Portant sa main à son collier, il toucha le petit trône en bois qui lui servait de pendentif et que sa mère lui avait remis quand il était plus jeune. Comme toujours, les souvernirs de cette époque lui réchauffaient le coeur. Il savait comment renouer les liens qui le liaient avec sa mère malgré sa mort.

Il récita alors à voix haute les enseignements qu'elle lui avait laissés :

" Libéré de toute pression, vas ton propre chemin sans culpabilité. Maîtrise toi face aux coups de tonnerre d'Urd, reste insensible face aux courants puissants qui mènent au royaume des morts, sois capable de changer tes ennemis en amis..."

Il s'arrêta et fronça les sourcils. Ayant toujours fredonné avec plaisir ces maximes lorsqu'il faisait de la magie, il ne parvenait aujourd'hui pas à leur accorder la même légereté qu'auparavant. Quelle bétise de croire qu'il serait capable de transformer n'importe quel ennemi en ami... Face aux armes, que pouvait-il bien faire ? Chanter ? Prier ? Démembrer ses adversaires... Il n'osait pas y penser...

Non pas qu'il en soit incapable, mais son coeur ne le portait pas à tant d'aggressivité. Se refusant à imaginer comment il pourrait bien défendre les siens s'il n'était pas capable de s'endurcir, il reprit d'une voix claire :

" Ton épée magique brise toutes les chaînes et la nature t'apporte son aide. Exprime avec fierté les mots d'émotion pour t'allier au "géant à la lance"."

Il cessa de parler. Loin de vouloir reprocher quoi que ce soit aux dieux, il ne pouvait s'empêcher de remettre en question leur manière de transmettre leurs savoirs... Parler en énigmes pouvait s'avérer absolument insupportable pour les hommes, et surtout pour lui.