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Les couloirs de l'école de sorcellerie se ressemblaient tous une fois la nuit tombée. Des murs en pierre grisâtre, décorés de multiples tableaux, se terminaient et dévoilaient de nouveaux murs identiques aux précédents. Poudlard se transformait en un immense labyrinthe lorsque la Lune retrouvait son trône dans le ciel nocturne et son Minotaure prenait les traits inquiétants de Rusard. Si les années ne l'avaient pas habituée à l'apparence de l'école lorsque l'obscurité y régnait, Hermione s'imaginait sans difficulté se perdre dans le dédale de couloir. L'amitié qu'elle entretenait avec Harry et Ron l'avait plusieurs fois menés au bord de l'exclusion, mais elle avait mémorisé chaque couloir de Poudlard. Elle se sentait comme chez elle entre ses murs. Elle savait même pressentir les apparitions de Peeves et devinait ses farces. Hermione se servait de ses connaissances pour les rondes. Elle savait où observer et quoi chercher. Il ne lui était pas rare de raccompagner des premières années à leur salle commune et de discuter avec eux pour calmer leurs angoisses. La plupart la quittaient avec le sourire et il ne lui en fallait pas plus.


Hermione se retrouva seule à faire sa ronde cette nuit-là. Malefoy n'avait pas daigné se présenter pour la troisième fois consécutive et la simple idée de parcourir une majeure partie de l'école seule la fatigua. Elle ignorait pourquoi il refusait de partager les tâches. Cette situation jouait sur ses nerfs et elle se retrouvait plus fatiguée que jamais. Puis son esprit ne lui permettait aucun répit. A chaque fois que sa mâchoire se décrochait dans un bâillement sonore, son cerveau se focalisait sur l'étrange proximité construite entre Malefoy et elle. Ils ne s'appréciaient pas, mais ils ne se détestaient pas non plus. Ils travaillaient bien ensemble et ils se toléraient sans se hurler des insanités. Drago Malefoy était une bien étrange personne. Il oscillait entre le garçon froid et hautain à ce jeune adulte intellectuel qui n'hésitait pas à réviser avec elle dans la quiétude de la salle commune. Elle ne comptait plus le nombre de fois où ses doigts avaient frôlé les siens ou que son souffle avait caressé sa peau. Il s'amusait de son embarras et il riait des rougissements de ses pommettes. Il la mettait dans tous ses états.


Mais cela ne changeait rien à ses absences répétées. Elle se retrouvait encore une fois à arpenter les couloirs de l'immense labyrinthe sans aucune aide. A cet instant précis, elle espéra qu'il se plante une écharde dans le pied ou que Peeves ne vienne lui jouer une mauvaise farce. Son énervement se démultiplia à mesure que la fatigue grandissait.


Ses pas finirent par la mener à la porte de la salle commune des préfets. Hermione jeta un regard aux escaliers animés et analysa en quelques secondes la distance qui la séparait de son lit dans la salle commune de Gryffondor. Elle n'avait plus la force de marcher plusieurs dizaines de minutes ou de gravir des centaines de marches. Ses jambes l'abandonneraient avant qu'elle n'atteigne le tableau de la Grosse Dame. Ses lèvres articulèrent le mot de passe et elle pénétra dans la salle commune des préfets. Elle s'en fichait pas mal de dormir dans un lit dans lequel Malefoy avait déjà passé quelques nuits. Elle voulait juste dormir.


Dans cette obscurité que les rayons lunaires ne dérangeaient pas, les meubles se transformèrent en ombres inquiétantes entre lesquelles elle dut slalomer pour atteindre la chambre. Seuls quelques mètres la séparaient de son but, mais elle s'imagina se prendre les pieds dans le tapis ou dans les pieds de la table. Ce genre de situation lui arrivait tout le temps. Un geignement anxieux interrompit les pensées de la jeune femme. A peine perceptible et étouffé comme s'il était enfermé dans une bouteille. Mais elle ne pouvait pas ignorer son existence. Ce genre de bruit ravivait ses souvenirs de la guerre et ranimait ses réflexes acquis par la recherche des horcruxes. Elle extirpa sa baguette de sa poche, la brandit devant elle et articula la formule qui éclaira l'extrémité du morceau de bois magique qu'elle serrait entre ses doigts. Les contours des meubles se dessinèrent un à un, ses yeux marron examinèrent la pièce à la recherche d'un possible danger. Tout lui parut normal. Les livres, les tasses et les bibelots se trouvaient à leur place habituelle. Cela n'empêcha pas les geignements de se faire entendre de l'autre côté de la porte.

we used to hate each otherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant