Chapitre 3 - Lily

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Je reprends connaissance allongée sur quelque chose de confortable. Pour une fois, ce n'est ni le froid, ni le bruit qui m'ont tiré de mon sommeil. Je me redresse aussitôt pour essayer d'analyser cet environnement inconnu.

Une violente douleur au côté remonte le long de mon corps et je laisse échapper un geignement de douleur. C'est vrai, je suis blessée. En voulant regarder l'état de ma blessure, je réalise que la moitié de mon anatomie est recouverte de bandages. On dirait une momie. Je dois être horrible à voir. En attendant, les pansements indiquent que quelqu'un m'a soignée, ou du moins a voulu essayer.

Ce simple détail signifie que je ne suis plus au laboratoire. Des images me reviennent en flashs et il me faut un moment pour les assimiler et en faire le tri. Je dois remettre mes souvenirs en ordre pour comprendre ce qui s'est passé.

Je me souviens de mon évasion, la blessure et la poursuite, ensuite... La transformation et la pluie, rien d'autre. Il y a un tas d'émotions qui viennent avec ces souvenirs. Principalement la peur puisqu'elle ne m'a pas quitté depuis que je suis parvenue à m'enfuir mais aussi le soulagement d'avoir gagné un répit, la douleur et pour finir, une immense sensation de froid. J'imagine que j'ai perdu connaissance dehors. La perte de sang et le mauvais temps ont dû me plonger en hypothermie.

Assise sur ce qui semble être un canapé, j'observe mon environnement avec curiosité. La pièce dans laquelle je me trouve est assez spacieuse. Elle comporte un coin cuisine, ouvert sur une table et quelques chaises, ainsi qu'une partie salon. Ce dernier est simplement composé d'une télévision placée en face du canapé. En dehors des meubles, il n'y a pas vraiment de décoration. La personne qui habite ici semble préférer la simplicité. Malgré tout, je trouve l'endroit particulièrement chaleureux. La lumière du jour entre par une large fenêtre et me permet d'apercevoir un petit coin de jardin. Visiblement, nous sommes au rez-de-chaussée. Bien, ce sera plus facile pour partir.

Il faut absolument que je quitte cet endroit avant d'être à nouveau enfermée. La présence des bandages n'est pas suffisamment fiable pour que je mette ma vie entre les mains d'une personne inconnue. Les humains placent leurs profits avant tout le reste, ils sont sans scrupules. J'ai expérimenté l'abandon et la trahison trop de fois pour accorder à nouveau ma confiance.

Malheureusement, n'étant pas encore guérie, je suis incapable de changer à nouveau, il va falloir me contenter de mon apparence actuelle. Contractant mes muscles, je descend prudemment du sofa dans lequel j'ai dormi. Attentive aux sensations de douleur, je me contente de serrer les dents en résistant à l'envie de m'allonger et de ne plus bouger. Ma progression est désespérément lente mais je finis par atteindre la porte du salon pour avancer dans le couloir. La sortie est juste au bout, à quelques mètres. Pour l'atteindre, il me faut encore passer devant deux pièces fermées. D'après l'odeur, l'une d'elles est une salle de bain. J'imagine que l'autre donne sur la chambre de mon hôte. Sa respiration régulière me provient à travers le battant, il dort encore.

Reprenant mon avancée, je marche péniblement jusqu'à la porte d'entrée. Alors que j'approche enfin du but, mon corps atteint sa limite. Sans crier gare, mes muscles se tétanisent, la douleur est trop forte. Mes pattes ne me parviennent pas à me porter plus longtemps et je m'écroule violement par terre. Un jappement de surprise m'échappe à cause du choc alors que j'essaie de me relever sans succès.

En guise de réponse, j'entends un juron et des pas précipités. Quelques secondes plus tard, la porte de la chambre s'ouvre brusquement sur mon hôte. Vêtu d'un pantalon de jogging gris et d'un tee-shirt mis à l'envers dans la précipitation, il sort dans le couloir.

- Qu'est ce que c'est que ce bordel ? s'exclame-t-il pas encore tout à fait réveillé avant de m'apercevoir. Oh, c'est toi

Vu l'air de surprise qui traverse son visage, il avait complètement oublié ma présence.

- Comment est-tu arrivée là ? Tu dois te reposer pour guérir, dit-il en s'accroupissant à mes côtés. Je ne me suis pas donné autant mal pour que tu aggraves les choses dès ton réveil

Je n'ai pas la force de résister lorsqu'il me prend dans ses bras pour me porter jusqu'au canapé que je viens de quitter. Apparemment, l'évasion sera pour une autre fois, il va d'abord falloir que je guérisse et cet endroit n'est peut-être pas si mal. Après tout, l'humain ne me semble pas hostile et il n'a aucune raison de douter de ma véritable nature. Il s'agit d'une bonne occasion pour prendre des forces avant de reprendre ma fuite.

Pendant que mon sauveur temporaire prend son petit déjeuner, je l'observe. Son odeur est présente partout autour de nous, il vit seul et ne doit pas inviter beaucoup de monde chez lui, c'est l'idéal pour une personne dans ma situation. Concernant son apparence, il a l'air jeune, je lui donne à peine une vingtaine d'années. Sa peau pâle contraste avec la noirceur de ses yeux et de ses cheveux. En parlant de ces derniers, ils sont totalement décoiffés et forment d'étranges épis. Si j'en doutais encore, il est évident que je l'ai réveillé en sursaut.

Une fois son repas fini, il se tourne vers moi et me fixe de longues secondes. Interloquée par son immobilité, je me redresse sur le sofa. Mon mouvement semble le sortir de sa transe puisqu'il se racle la gorge et ouvre quelques placard avant de revenir vers moi.

- Il ne me restait que deux tranches de jambon donc je t'ai aussi mis du thon. D'après le site que j'ai regardé, il faut juste éviter d'en donner trop souvent à cause du sel mais vu ton poids, on dirait que tu ne manges pas régulièrement à ta faim alors ça devrait aller..., précise-t-il en approchant une assiette de nourriture pour me la donner avec un bol d'eau.

Méfiante, j'attends qu'il s'éloigne avant de m'autoriser à manger. Maintenant que l'assiette est devant moi, je me rends compte à quel point j'ai faim. Mon corps est tellement habitué aux privations, qu'il ne m'informe plus lorsqu'il est temps de manger.

Une fois mon repas terminé, je me lèche les babines avant de me rallonger. Le simple fait de manger me rend somnolente et je me rends compte que mon état doit être vraiment inquiétant si une chose aussi simple m'épuise. Un frisson me parcourt tandis que j'essaie de rester éveillée, en vain.

Sans un mot, l'humain récupère l'assiette vide et revient déposer une couverture sur mon dos pour me tenir chaud. Au lieu de me laisser seule, il s'assoit par terre et m'observe. Je détourne la tête, gênée par son attitude et finis par m'endormir en essayant d'ignorer sa présence.

A mon réveil, il n'a pas bougé. Il pianote sur son téléphone sans grande conviction en jetant régulièrement des coups d'oeil à sa montre.

- Tu es réveillée ? remarque-t-il en levant les yeux. Dans ce cas, il est temps d'y aller, décide-t-il tout à coup en se relevant.

Paniquée, j'essaie de me lever en le voyant prendre ses clés. Il sort ? Que va-t-il faire ? Pour quelle raison ? Je réfléchit à ce qui aurait pu me trahir mais rien ne vient.

- Heureusement qu'il ne pleut pas aujourd'hui, je n'avais pas envie de revivre la même chose qu'hier, s'esclaffe l'humain en revenant vers moi avec le sourire.

Il attrape la couverture, vérifie qu'elle est bien enroulée autour de moi et me prend dans ses bras pour la seconde fois de la journée.

- Je vais t'emmener comme ça, ce sera plus rapide. De toute façon, tu ne pourrais pas faire trois mètres dans ton état.

Je me débat quelques minutes mais finit par abandonner. Malgré sa carrure fine, il est plutôt fort et mon poids se semble pas lui poser problème. Je suis tombée sur un athlète. En attendant, cette promenade est plutôt agréable, j'apprécie de pouvoir respirer de l'air frais tout en restant emmitouflée dans ma couverture. La seule ombre au tableau reste notre destination inconnue.

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