Projet Hybride

Chapitre 9 - Réveil

Le surplombant de ma hauteur, je réalise à quel point cet individu est frêle. Il mesure facilement une tête de moins que moi et semble si fragile que ma prise pourrait lui déboîter l'épaule. En l'examinant de plus près, un détail me saute aux yeux.

- Mais c'est mon pull ! m'exclamais-je avec surprise.

L'inconnu sursaute au son de ma voix et se débat pour essayer de se défaire de ma prise.

- Hors de question, tu ne t'en tireras pas comme ça, grognais-je. Je veux savoir ce que tu fais ici, qui t'as demandé de faire ça ?

Agacé par le manque de réponse de mon interlocuteur, je saisit sa capuche pour dévoiler son visage. Je retire le tissu d'un geste brusque et fais face à deux yeux verts effrayés. On dirait le regard d'un lièvre pris dans les phares d'une voiture. Mais ce qui me frappe le plus, ce sont les traits de son visage, le cambrioleur est une fille et plutôt jeune en plus. Elle doit avoir une quinzaine d'années. Ses longs cheveux bruns sont emmêlés et elle porte des vêtements larges mais je suis certain de ne pas me tromper. Mon sweat trop grand la couvre jusqu'aux cuisses et j'ai l'impression de reconnaître également l'un de mes jogging. Elle a l'air épuisée. D'immenses cernes sont présentes sous ses yeux et elle est affreusement maigre.

- Comment t'appelles-tu ?

- Laissez-moi partir, je dois m'en aller, supplie-t-elle avec une voix cassée.

- Réponds-moi d'abord, exigeais-je. Qu'as-tu fais de mon chien ? Tu as été payée pour la ramener ?

- Non ! Je ne lui ai rien fait

- Alors, rends-la moi, je te laisserai partir ensuite

- Pourquoi est-ce que vous vous inquiétez pour cet animal ? Ce n'est pas le vôtre et vous ne le connaissez même pas !

- Cet "animal", répétais-je, compte sur moi, il me fait confiance. Je me suis promis de veiller sur elle, je suis responsable de son bien-être alors tu vas me la rendre tout de suite

- Ce ne sont que des paroles, je sais que vous ne voulez pas la garder. Votre prétendue bonté n'est que passagère, elle se retrouvera dehors dès que sa blessure sera guérie, crache-t-elle en se débattant.

Je masque ma surprise sous un air impassible. Comment a-t-elle appris ça ? Quoi qu'il en soit, ma priorité est d'obtenir des réponses et elle ne semble pas prête à avouer, je vais devoir être plus agressif et la menacer.

- Je ne sais pas pour quel genre de monstre tu me prends mais le pire de tes cauchemars va bientôt devenir réalité si tu ne me dit pas-, commençais-je en me rapprochant lorsqu'un sifflement de douleur lui échappe.

Je l'ai seulement secouée un peu... Fronçant les sourcils, je la maintient par l'épaule et retire la main qu'elle a posé contre son flanc.

- Tu es blessée ?

- Cela ne vous regarde pas, laissez-moi partir

Son attitude me rappelle celle de certaines bêtes. J'ai souvent aidé mes parents à s'occuper du troupeau et détecter les animaux malades en fait partie. Ces bêtes-là cachent leur faiblesse pour éviter d'être mises de côté. Perdre la protection du groupe signerait leur arrêt de mort. C'est instinctif.

Obéissant à mon instinct, je soulève le bas de mon sweat pour observer son côté gauche.

- Mais ça va pas ? Qu'est-ce que vous fabriquez ! s'offusque-t-elle en essayant de se libérer de plus belle.

Un pansement imbibé de sang est maladroitement fixé autour de son ventre et menace de sa détacher à tout moment. 

- Qui t'a fait ça ? Ils t'ont menacée ?

La jeune fille se contente de ricaner.

- Si seulement ce n'était que ça. Vous n'avez aucune idée de ce qu'ils peuvent faire, de ce qu'ils ont le droit de faire

- Personne ne peut agir impunément, tu peux aller voir la police, plaidais-je.

- Je n'échangerai pas une cage pour une autre, ils seront toujours derrière moi. Mais vous avez encore le choix, laissez-moi partir et reprenez le cours de votre vie. Oubliez-moi et vous ne craindrez rien

Sa façon de parler... J'ai l'étrange impression qu'elle souhaite exactement l'inverse de ses propos. Comme si elle me suppliait de ne pas l'écouter. Seulement, j'ai déjà assez à faire avec Dana pour ne pas m'encombrer d'une seconde âme à sauver. Elle devra se trouver un autre bon samaritain.

- Ecoute, tu n'as encore rien fait de mal. Rends-moi seulement mon chien et tu seras libre de partir, je ne te dénoncerai pas

C'est un bon compromis. Je ne résous pas ses problème mais elle n'en aura pas de supplémentaires non plus.

- Bien sûr, c'est toujours de ça qu'il est question, il n'y en a que pour elle. Et moi ? Est-ce que quelqu'un se préoccupe de moi ?! s'exclame-t-elle tandis que les larmes coulent sur son visage.

Démuni devant cette situation complètement inattendue, je me contente de la regarder bouche bée. Comment ai-je pu me retrouver avec une voleuse de chien blessée et en larmes dans mon salon sans que je n'y sois pour rien ?

Je desserre ma prise sur son épaule pour reculer d'un pas mais la jeune fille n'essaie même pas de s'enfuir, elle se contente de se laisser glisser au sol avant d'éclater en sanglots.

Je l'observe pendant de longues secondes, incertain quand à la façon de réagir jusqu'à ce qu'elle essuie ses yeux d'un geste rageur.

- Vous voulez savoir où est votre chien ? Je vais vous le dire ! crache-t-elle avec fureur. Nous verrons bien si vous l'aimez tant que ça ce stupide animal !

- Je t'écoute, acquiesçais-je en m'accroupissant face à elle.

Elle semble soudain hésiter et évite mon regard avant de prendre une grande inspiration.

- Je suis Dana. C'est moi que vous cherchez, avoue-t-elle.

- Nous parlons d'un chien là, répliquai-je en haussant un sourcil.

Cette fille est complètement dérangée. Ce n'est pas de la police dont elle a besoin mais d'un hôpital psychiatrique.

- Je parle d'une chienne que vous avez accueillie chez vous parce qu'elle était blessée. Avec de multiples entailles et une blessure à l'abdomen qui est encore en cours de guérison, exactement comme celle-là, ajoute-t-elle en retirant le pansement sur son ventre d'un geste brusque.

Et on s'arrête là pour aujourd'hui !

Félicitations à toutes celles et ceux qui avaient deviné l'identité de la "cambrioleuse"  ^^