« La lune est le soleil des statues. » Jean Cocteau
Chapitre 1
‒ Lili ! Hé, oh ! Je te parle !
Parasol glissé sous un bras, et agitant sa main de l'autre, madame Absence espère que sa grande adolescente daigne lui répondre. Liesse la capte enfin et retire ses écouteurs.
‒ Hein, quoi ?
‒ Je vais à la plage ? Tu viens ?
‒ Maintenant ? Mais je voulais d'abord faire mes ongles.
‒ Ah bon ? Depuis quand tu mets du vernis ?
‒ Quoi ? Ne me dis pas que je suis trop petite à dix-sept ans !
‒ Non, mais, c'est juste que ça ne te ressemble pas.
La jeune brune se lève pour fouiller sa trousse de toilette négligemment abandonnée sur le fauteuil.
‒ T'as d'autres activités à me proposer dans ce trou paumé ?
‒ Oh, c'est bon, tu vas pas me refaire l'histoire. Ça fait plaisir à ton père !
‒ C'est juste que pour, probablement, mes dernières grandes vacances d'été, j'aurais préféré un spot comme la Côte d'Azur plutôt que Misery-Lande-de-la-montagnette-glauque.
‒ Je connais la chanson, c'est bon... Si tu sortais, tu verrais que c'est pas si mal. Je vais passer à l'office de tourisme voir ce qu'ils proposent comme visites dans le coin.
‒ Maman, ce que t'appelles « l'office de tourisme », c'est une cabane de trois planches avec un monsieur qui voit plus de boucs que de touristes. Et ta « plage » tient sur un rebord de rivière avec quelques cannettes de bière et trois pêcheurs pour vue. On repassera pour le côté paradisiaque !
‒ Tu exagères !
‒ Tu n'as pas l'air si convaincue, tu sais. Je sens que toi aussi t'aurais aimé passer de vraies vacances, avec un camping propre, des gens partout, plutôt que de voir papa partir tous les matins en chasse de je-ne-sais quelles pierres.
‒ Les roches.
‒ Ouais, si tu veux.
La passion de monsieur Absence – qui mérite alors bien son nom – pour la géologie est toute récente, deux ans après qu'il soit tombé en retraite.
‒ Bon, j'y vais, alors. Ton père m'y rejoindra.
‒ Encore heureux qu'il ne te laisse pas en plan toute la journée...
‒ On reparlera de ce ton sarcastique quand tu auras été en couple pendant plus de vingt ans.
Liesse soupire.
‒ Je fais mes ongles et te retrouve là-bas. Laisse-moi trente minutes.
‒ Tu te rappelles comment on y va ?
‒ Trois arbres à gauche, pouf, pouf, un arbre à droite, par-dessus les chèvres et...
‒ Lili !
‒ Mais oui, je m'en rappelle. T'inquiète pas !
‒ Sinon je peux t'attendre.
‒ Maman, ça va aller, je t'assure.
‒ Okay.
Madame Absence reprend son cabas où serviette, magazine people et casquette sont enchevêtrés. Avant de refermer la porte, elle se retourne vers sa fille.
‒ Vert olive.
‒ Quoi ?
‒ La couleur du vernis. Ça rappellera la couleur de tes yeux.
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Le cœur en Liesse
Paranormal« Peut-on briser un cœur de pierre ? » Une rencontre peut tout changer. Mais lorsque Liesse fait la connaissance de Sasha, ce n'est pas une évidence. Le jeune homme semble aussi froid que les roches de ce coin de montagne isolé. Pourtant, les vaca...