Chapitre 16

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Liesse cligne deux fois des yeux.

‒ Une quoi ? finit-elle par demander.

‒ Une gargouille. 

‒ Tu ne ressembles pas à une gargouille... 

Un rire nerveux s'échappe de ses lèvres, bien trop criard pour sonner vrai.

‒ A quoi tu penses ? demande-t-il.

‒ Là, en vrai, j'ai envie de m'enfuir, mais tu m'as clouée au canapé !

Sasha s'approche, elle a un mouvement de recul.

‒ Ne t'inquiète pas, je ne vais rien te faire.

Il prend un livre ancien dans sa bibliothèque et le pose devant elle.

‒ Qu'est-ce que c'est ?

‒ De quoi mieux me comprendre.

Liesse se décide à le prendre. La couverture est rugueuse sous ses doigts. Il est sobrement intitulé Gargouille. La typographie et l'état du papier semble indiquer qu'il s'agit d'une édition d'époque fin Renaissance. C'est ce que lui aurait dit sa mère à la vue de l'ouvrage.

‒ Ça fait bien longtemps que je n'ai pas lu. Tu te rends compte du miracle que tu es en train d'accomplir, ma mère serait verte ! tente-t-elle pour détendre l'atmosphère, et surtout son propre esprit.

Sasha lui demande s'il peut s'asseoir à côté d'elle. Liesse accepte mais reste sur ses gardes.

‒ Tu penses que je suis en train de rêver ?

‒ C'est à moi que tu demandes ?

‒ Bon... alors, pour revenir à ce qui s'est passé, dans la montagne : en quoi tu aurais pu aider ?

‒ Parmi mes... compétences, je sais anticiper ces déflagrations. Si je repère quelqu'un dans la zone, normalement sécurisée, j'ai le temps de le mettre en lieu sûr.

‒ Quel est le rapport avec les gargouilles ?

‒ Sais-tu à quoi elles sont destinées, les gargouilles ?

Liesse se remémore sa sortie parisienne, alors qu'elle et ses parents avaient visité la Cathédrale de Notre-Dame. Elle ne s'était pas vraiment sentie à l'aise en observant les statues monstrueuses.

‒ Euh... à faire peur ?

‒ Oui, mais dans quel but ?

‒ Je ne sais pas.

‒ Le rôle des gargouilles est de protéger. Nous sommes des gardiens, des protecteurs contre le Mal. Les Hommes nous ont représenté comme ça, mais nous avons bien la même apparence que vous. Ce sont des sculpteurs-gargouilles qui se sont eux-mêmes représentés avec beaucoup de symbolisme et d'inventivité.

‒ Vous êtes nombreux ?

‒ Autant qu'il y a de cryptes à travers le monde. Ce sont des prisons pour les êtres du Mal.

‒ Oh, là, là, ça va trop vite pour moi !

Elle passe machinalement la main dans ses cheveux, les assemblant en un chignon qu'elle fait retomber alors qu'elle inspire.

‒ Tu veux un verre d'eau ?

‒ Non, c'est bon. Continue !

‒ Dans le secteur interdit, à l'intérieur de la montagne, il y a une crypte ancestrale qui retient un démon prisonnier.

Un frisson électrise la nuque de Liesse. Sasha n'a jamais été aussi grave.

‒ Si le promeneur est mort, c'est que ce démon s'est échappé ? demande Liesse d'un ton blanc.

Le cœur en LiesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant