En bordure de sentier, Agatha désinfecte le genou de son mari. Kévin s'est égratigné sur une roche, en voulant se relever avec son sac à dos et ses boîtes dans les mains.
‒ Tiens, Liesse, tu peux réserver nos places pour la balade en barque ?
‒ Oh, la flemme !
‒ Liesse, je ne te demande pas grand-chose... Le temps que je répare la patte de ton père.
‒ Okay...
Liesse range son smartphone.
‒ Tiens, redonne-lui cette carte de rando, elle me l'a filée en double hier.
Liesse prend le dépliant et suit l'écriteau indiquant l'office, un bâtiment qui ressemble à un ancien abri de berger, fait de pierres superposées. Des dizaines de pivoines blanches et roses entourent l'entrée. Avant de s'y engouffrer, Liesse prend une photo qu'elle poste sur son Instagram. Autant faire illusion, ses quelques followers n'ont pas à savoir qu'elle est dans un coin qu'elle ne recommanderait pas.
‒ Y'a quelqu'un ?
A l'intérieur, une petite femme à l'allure d'enfant pousse un présentoir à roulettes.
‒ Oui, oui, j'arrive.
Le panneau est aussi grand que la directrice de l'office.
‒ Je peux vous aider ? demande Liesse alors qu'elle peine à négocier les virages dans son antre étroite.
Elle soupire sous l'effort. Liesse n'attend pas sa réponse pour lui venir en aide.
‒ Ah, il me semblait bien qu'une roue s'était bloquée ! On va le mettre dehors !
Elles le font rouler jusque devant l'entrée.
‒ Merci beaucoup, ma petite !
Liesse trouve cela ironique de la part d'une femme qu'elle dépasse de deux têtes. Elle prend connaissance du présentoir qu'elle vient de pousser.
‒ Ah, bah, justement, je voulais nous inscrire pour la « croisière bucolique ». Et vous rendre ça.
Elle lui tend la carte des circuits.
‒ Je vois, vous préférez vous la couler douce, plutôt que de marcher ? plaisante-t-elle.
‒ Non, ma mère en a pris deux par erreur.
‒ Tu peux le déposer juste derrière toi.
La jeune femme replace le dépliant sur le buffet des prospectus.
‒ Quel créneau pour la balade et combien de personnes ?
‒ Demain, 15 heures, pour trois personnes.
‒ Un nom pour enregistrer la réservation, s'il te plaît ?
‒ Liesse. L-I-E-S-S-E.
‒ C'est noté, madame Liesse.
‒ Liesse, c'est mon prénom.
‒ Ah d'accord, original.
‒ Ma mère est chercheuse en histoire médiévale.
‒ Oui, oui, je connaissais ce prénom mais je n'avais jamais rencontré quelqu'un qui le portait. c'est très joli. Et en parlant d'histoire du Moyen Âge, il y a justement un événement que l'on appelle « les Médiévales ». C'est le 21 juin à Petram. C'est un village tout proche. On y croise des gens en habits d'époque qui font des démonstrations d'artisanat, ou des spectacles dans les rues, et le village est éclairé à la bougie. Les touristes sont conquis.
Elle lui montre un poster scotché à la banque d'accueil.
‒ D'accord, j'en parlerai à ma mère. Elle va kiffer, je pense.
‒ Oui, surtout que c'est gratuit, boissons et nourriture inclus.
Liesse imagine une fête à la saucisse, avec quinze pleus-pleus et des ateliers faits de bric et de broc.
‒ Ça a l'air sympa, ment-elle. Au revoir !
‒ A bientôt, Liesse !
La jeune femme ressort et tombe nez-à-nez avec...
‒ Sasha ?!
‒ Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-il d'un ton aussi surpris que ferme.
‒ Manifestement, je ne suis pas allée chercher des escalopes...
Intérieurement, elle rougit de ridicule. Elle fait de meilleures vannes, d'habitude.
‒ Ah, j'oubliai que c'était ta tante qui dirigeait l'office, réalise-t-elle.
‒ Oui. Qu'est-ce que tu lui voulais ?
‒ Tu es bien curieux, maintenant.
‒ Je sais aussi recevoir les demandes des touristes.
‒ Étrangement, ce n'est pas vers toi que je me tournerai, mais bon... A plus tard, Sasha !
Sur ce, Liesse s'en va retrouver ses parents, devinant bien le regard du jeune homme sur sa silhouette.
‒ Il est trop bizarre...
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Le cœur en Liesse
Paranormal« Peut-on briser un cœur de pierre ? » Une rencontre peut tout changer. Mais lorsque Liesse fait la connaissance de Sasha, ce n'est pas une évidence. Le jeune homme semble aussi froid que les roches de ce coin de montagne isolé. Pourtant, les vaca...