11

518 49 3
                                    

L'étrange cohabitation se poursuivit la semaine entière. Le jeune homme aux boucles brunes ne répondait à aucune de mes questions, je ne faisais que le croiser quand il venait me libérer pour la nuit ou me recueillir pour le jour... j'avais pris mon parti de cette attitude lointaine et je me contentais d'accepter son aide. Je passais une partie de ma journee à somnoler ou à prier mais l'ennui me devenait de plus en plus intolérable. Je n'avais pas recroisé mon oncle pour mon plus grand plaisir mais néanmoins une angoisse sourde m'agitait au quotidien. Quand allais-je le revoir ? quand allait-il à nouveau s'imposer à moi ? Que ferais-je le jour du débarquement ? Y aurait-il mon futur maître m'attendant de pied ferme sur le quai ?

Au cours de la troisième nuit, je m'étais faufilée sur le ponton et à l'abri d'une construction en bois, j'avais écouté la conversation de deux marins qui ne m'avaient pas vue.

"- c'est pas normal Rob'. Firmin est pas reparu depuis l'autre soir! Et c'est pas le seul! C'est m'as un rafiot c'est un piege a rats! Et la donzelle qu a ramené le commandant c est pas mieux! On l'a voit plus non plus et l'autre il tourne dans le bateau à la recherche de son jupon!"
"- ouais c est louche. j'ai jamais été aussi crevé par un voyage en mer non plus, le matin, c'est tout juste si j'arrive à me lever... Et tout ceux qui partagent mon coin c'est pareil..." Sa voix prend une étonnante langueur soudaine et l'autre lui répond sur le même ton:
"- j'ai entendu beaucoup de gars se plaindre de la même chose... Y a un truc pas clair sur'c'bateau et si ... Tu... Veux..."

J'attendais quelques instants la suite de la conversation qui ne vint pas. Me croyant découverte, je jetais un coup d'œil de part et d'autres de l'apenti.
Les deux marins étaient effondrés sur eux même et dormaient a poings fermés, le souffle régulier. Enveloppés d'une brume parme.
La brume serait-elle responsable de cet état de semi-conscience dans lequel je suis plongée chaque nuit?

Étrangement le vent nocturne puissant avait repoussé la brume sur le flanc tribord du navire, dégageant une allée longeant la coque.  L'odeur de lys était à peine perceptible ce soir.
Une étincelle sembla jaillir dans mon cerveau. Si j'emprunte ce chemin dégagé, que trouverais-je au bout?

Prudemment, j'avançais en me tenant le plus loin possible de la brume anesthésiante. Un léger bruit indéterminé me vient du fond du bateau. Je me dirige vers la poupe doucement. Le bruit s'intensifie. Un léger soupir. Un grognement de satisfaction. Un bruit de bouche, un son de  succion continu et toujours ce grondement satisfait. Arrivée au bout du bastingage, une haute carrure se dresse, dos a moi, les bras ramenés vers l'avant et la tête baissée vers l'avant. Comme s'il avait senti ma présence, l'homme inclina légèrement la tête pour me jeter un regard qui me glaça le sang.

Série Moon: Hazel face aux abysses.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant