Monsieur M.

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— Bonjour, Hector.

Hector Desmares se retourne brusquement vers moi, surpris dans son travail. Il tressaille légèrement à ma vue.

— Bonjour M., me salue-t-il à son tour. Ainsi l'heure est venue.

C'est une constatation dans sa voix. Je la relève cependant.

— Oui, il est prêt.

Hector pose sa fourche contre le mur de la stalle pour se donner une contenance. Je le sens perturbé. Il ne devait pourtant pas ignorer que ce moment arriverait.

— Le sera-t-il vraiment un jour ? Prêt, je veux dire ?

Je note un accent paternaliste dans son ton. Je croise les bras, nonchalant.

— Pourquoi, vous en doutez ?

— Bien sûr que non. C'est juste que...

Il soupire.

— Je vais vous le chercher.

Je le retiens et, d'une poussée magique mentale, claque la barrière pour l'empêcher de sortir.

— Un instant, Hector. Avant, je voudrais vous poser quelques questions à son sujet.

Il se retourne et m'affronte bien campé sur ses deux pieds, le dos droit et le menton relevé. Il me scrute de haut en bas et de bas en haut.

Je souris.

J'ai encore changé d'apparence. Ça ne l'a pas empêché de me reconnaître bien sûr, mais je sens bien que cette nouvelle version de moi-même n'emporte pas son adhésion.

J'arbore pourtant une soixantaine joviale et épanouie. Légèrement bedonnant, la taille moyenne, je porte une barbe noire parsemée de fils argentés, supposée me donner une allure rassurante de grand-père.

À voir son attitude, je dois plutôt ressembler à un vieil ours retors.

Tant pis.

— Soit. Que souhaitez-vous savoir de lui ? Se résigne-t-il à me demander après une minute d'un silence pesant.

— Comment est-il ? Au quotidien s'entend.

Hector réfléchit une minute, en se frottant le menton. Je tiens à ce qu'il me donne son avis. Pour l'avoir observé, je n'ignore pas les qualités et les défauts du nouvel Arthur. Mais l'opinion à son sujet de quelqu'un qui lui est proche et qui est chevalier de surcroît, m'intéresse au plus haut point.

— Il est jeune encore. Son intelligence est vive et il ne manque ni d'audace ni de courage. Il est têtu, mais il sait reconnaître ses erreurs et apprendre d'elles.

— Quoi d'autre ?

— Il a de la rage aussi et de la colère. Il faudra les canaliser.

— Oui. Je m'y attendais un peu pour tout avouer. S'est-il produit des évènements particuliers autour de lui ?

Flavila passe la tête au-dessus de la barrière et m'interpelle sèchement :

— M., pourquoi je ne suis pas étonnée ?

Le ton est mordant. J'esquisse un sourire. La tante d'Arthur n'a pas son pareil pour aller droit au but. De plus, elle est toujours aussi charmante. Et, malgré ses bottes plastiques jaunes et sa chemise à carreaux, elle en impose vraiment.

Elle ouvre la barrière pour nous rejoindre d'un pas rapide.

— Je trouve, M., que vous vous présentez trop tôt, pour poser des questions bien inutiles. Arthur est fier et droit, comme il se doit. Quant au reste, vous savez aussi bien que nous, si ce n'est mieux, ce qu'il lui est déjà arrivé.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant