Monsieur M.

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Depuis, ce matin, j'observe, invisible, Arthur et son entourage. Les évènements sont en train de se précipiter. Et bientôt, il sera prêt à rejoindre le camp.

Flavila Desmares ronchonne toute seule dans sa barbe, tout en sortant du four ce que je pense être un soufflé aux noix de Saint-Jacques. Elle a mis les petits plats dans les grands ce soir, car Anna doit repartir dès le lendemain.

Je n'ignore pas, tout comme elle, que les « au revoir » seront encore difficiles entre le frère et la sœur, d'autant que c'est Morgane qui est chargée de venir récupérer sa cadette.

Je remarque bien que Flavila n'est pas dupe. Elle ne l'était déjà pas du temps du roi, elle ne l'est pas plus aujourd'hui. Bien. C'est une bonne chose. Arthur, le jeune, aura besoin de tous les soutiens possibles. Je ne veux pas qu'il soit isolé comme la première fois. Certes, l'époque était autre, mais peut-être alors que le destin de notre monde aurait été différent.

Flavila termine juste de mettre le couvert, lorsque le pas lourd de son mari résonne dans le couloir. Hector entre dans la cuisine avec ses bottes pleines de terre. S'approchant de sa femme par-derrière, il l'enlace avant de déposer un baiser sur sa tempe.

— Allons bon ! Que t'ont encore fait ces deux jeunes fous ? lui demande-t-il, en soupirant.

Flavila gémit et se retourne pour se blottir dans ses bras puissants. Hector marque un temps d'arrêt et hausse un sourcil d'incompréhension. Il paraît surpris de la voir si mélancolique.

Cela m'interpelle.

Hector prend son menton entre deux doigts et lui redresse la tête pour affronter son regard.

— Que se t'arrive-t-il ma douce ?

Flavila se dégage rapidement. Elle affiche un air résolu comme pour chasser cette faiblesse passagère qui n'est pas dans son caractère.

— Rien. Je pensais juste à Arthur. Je me disais que demain serait une dure journée pour lui.

Hector agite la main avec désinvolture.

— Bah ! Il s'en sortira cette fois encore. Morgane est comme une jeune pouliche mal dressée. Franchement, elle aurait mérité une bonne fessée, dans ses tendres années.

Flavila attrape son torchon d'un geste brusque et frotte avec force son plan de travail.

— Tu prends ça trop à la légère, Hector. Ce n'est pas sain de haïr comme ça. Surtout son propre frère. Et puis, as-tu remarqué ? Elle ressemble tant à Ygerne... Chaque fois qu'Arthur l'aperçoit, il distingue aussi sa mère. À son âge, c'est comme voir un fantôme vous détester.

J'interviendrais bien en signalant à Flavila que si, c'est tout ce qu'il y a de plus normal au contraire. Mais je m'abstiens. Pas sûr que les Desmares apprécient mon ingérence...

Hector s'assied à la table, face à sa femme. Celle-ci se retourne et le scrute. J'ai l'impression qu'elle attend de lui qu'il lui donne raison.

— Je sais, ma douce. Ce n'est pas facile. Mais Arthur est plus fort que tu ne le crois. Et puis, tu n'ignores pas à quel point c'est compliqué entre eux, depuis le début.

Hector n'a pas changé lui non plus. Il est toujours aussi terre à terre et ne se voile pas la face. Tant mieux

— Justement, assène sa femme tout en battant le vide avec son torchon. On aurait pu penser que les erreurs du passé servent à quelque chose. Qu'elles nous donnent une leçon au moins ! Mais non. Au lieu de ça, tout recommence.

Flavila fouette à nouveau l'air et se claque involontairement la cuisse avec. Elle grimace de douleur.

— La haine est un sentiment puissant. Elle survit à beaucoup de choses, comme l'amour... Attends qu'Arthur rencontre Guenièvre, rajoute Hector, las.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant