Chapitre I : Arthur

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 Je me tiens devant la piscine avec, j'en suis certain, un air de parfait ahurissement sur le visage. J'attrape le bras de Tristan et le pince.

— Aïe ! T'es dingue ! Pourquoi tu me fais mal comme ça ?

— Dis-moi que tu la vois toi aussi.

— Je la vois.

Je hausse un sourcil en me tournant face à mon meilleur ami.

— Et tu vois quoi exactement ?

Il lève les yeux au ciel.

— La confiance règne, Arthur.

Je croise les bras. Tristan sait très bien pourquoi je lui pose cette question. Nous avons été suffisamment de fois traités de menteurs et accusés de mythomanie dans notre enfance pour que nous gardions pour nous désormais le récit de toutes les choses extraordinaires qui se produisent dans notre vie.

Il secoue la tête, puis nous nous retournons simultanément vers l'objet de notre stupéfaction. Autour de nous, la foule ne semble pas remarquer ce dont nous sommes les témoins. Les gens rient, plongent, s'éclaboussent, ou continuent de s'entraîner comme si de rien n'était. Un groupe de filles lancent des œillades appuyées à Tristan en gloussant. Il les mate sans scrupule.

— On peut revenir à notre problème ? l'interpellé-je, sèchement.

— Quel problème ? dit-il en souriant à pleines dents à une brune en maillot de bain rouge.

Je soupire et le pince à nouveau pour le rappeler à l'ordre. En vrai bourreau des cœurs, Tristan ne se lasse jamais de flirter avec tout ce qui bat des cils dans sa direction. Il est le chouchou des demoiselles et n'est absolument pas discriminatoire en la matière. Rousses, blondes, brunes, grandes, petites, minces ou rondes, il les adore et elles le lui rendent bien. Sauf que là, moi, j'aimerais bien qu'il se recentre sur notre complication du jour.

— Est-ce que tu veux bien essayer de te concentrer deux minutes, s'il te plaît, Tristan ?

— Oui, bon, je t'accorde que l'énorme bagouse carrée en or est de trop... reconnaît-il en souriant toujours.

Parfois, j'ai vraiment envie de le cogner.

— Tu as de la chance d'être mon meilleur pote.

Il se campe sur ses jambes, nonchalant. Incrédule, je fixe le grand bain au milieu duquel un bras blanc spectral a jailli. Au bout de ce bras, une main fripée par un trop long séjour dans l'eau tient une épée.

— Tu la sens aussi ?

— Quoi, donc ?

— L'odeur de la mer et de la foudre ?

Nouveau regard en coin de sa part.

— T'as fumé ?

— Laisse tomber. Bon, on fait quoi ?

— Je n'en sais rien.

— C'est fou comme tu m'aides.

Tristan grogne en haussant les épaules.

— Tu veux que je te dise quoi exactement ? Ce n'est jamais qu'un énième truc chelou dans notre vie.

— D'accord, mais avoue que celui-là est particulièrement glauque. Cette main est trop flippante. On se croirait dans Walking Dead.

Mes sensations sont étranges à cette minute. J'ai l'impression qu'une force extérieure cherche à pénétrer mon esprit. Comme une puissante bourrasque porteuse d'un parfum marin d'ozone... C'est la première fois que je ressens cela. Et pourtant, j'en ai eu mon lot de trucs anormaux dans mon existence. Après tout, je vis avec mon oncle et ma tante à Brocéliande. Enfin, à Paimpont. Mais bon, c'est pareil, hein. C'est en plein cœur de la Bretagne et tous les Bretons vous le diront, notre région, elle est exceptionnelle et magique.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant